Il s’agit d’une pièce en deux parties qui peuvent s’appréhender séparément (voir Klitemnestre Hermafrodite).
Résumé du deuxième diptyque :
Mamma Pappa Zommbi est un texte synchronisé pour voix et vocodeur. Glissant de la tragédie grecque à la tragédie moderne, l’auteur se propose d’observer le Pouvoir et ses effets à l’intérieur de la cellule familiale et de la langue, sous un régime totalitaire directement inspiré de la République démocratique allemande. La cellule familiale du temps de la RDA n’a rien à envier à l’espace protecteur de la famille bourgeoise : elle doit rester le lieu de satisfaction des besoins économiques, émotionnels, sociaux et sexuels. Sauf que les véritables relations sociales n’ont jamais pu répondre à cette exigence. L’intrigue dépasse largement le cadre politico-géographique d’un territoire nommé RDA et s’inspire d’un fait divers qui se produisit dans la Ruhr, au milieu des années quatre-vingts. Cet événement aurait pu arriver n’importe où et à n’importe quelle époque où « des individus sont contraints de vivre leur quotidien dans l’effroyable lenteur d’un processus de destruction. » Le fait lui-même : une fille de onze ans, munie d’une autorisation écrite de son père, venait régulièrement emprunter des cassettes vidéo de films d’horreur, jusqu’au jour où l’employée finit par trouver la chose bizarre. Elle alerta les services sociaux. Une assistante sociale se présenta au domicile de la fille : elle trouva le père, au chômage et soûl, installé devant la télévision et regardant un film d’horreur avec une fillette âgée de trois ans environ assise sur ses genoux, et toute la journée se passait probablement comme cela. Quand l’assistante s’adressa à la fillette, elle constata qu’elle ne savait dire ni son nom, ni celui de ses parents et qu’elle ne possédait que trois mots : Mamma Pappa Tsombi. Le prologue 1984 est une allusion délibérée au roman d’Orwell, il exprime la situation générale et la mentalité de Berlin-Est à l’époque, et il sert de transition entre la Grèce ancienne et les temps modernes. À la fin du drame, la fille de onze ans tue ses parents avec un couteau. Le couteau est le véritable fil conducteur des deux pièces, il devient de plus en plus présent dans les scènes conflictuelles. Ainsi, à travers l’histoire et l’usage d’une arme blanche (le poignard de Clytemnestre contre Agamemnon, le couteau d’Oreste contre sa mère et son amant Égisthe dans le premier diptyque, le couteau de la fille contre ses parents dans le second), il se forme « un arc de tension allant du début de l’Histoire à un moment de l’époque actuelle : l’Homme et le monde vus comme un butin. » Quant à la synchronie, cette pratique courante de la communication journalière qui contient déjà en elle « la dernière forme d’expression possible de l’éphémère d’une parole sélective tendant vers l’absolu du silence, l’entropie pour la communication », son emploi résulte de la simple observation qu’en raison de l’émotivité des personnes impliquées, la plupart des « conversations » se déclenchent avec certaines « paroles irritantes ». Matérialisée par « une mise en page parlante », la synchronie permet une représentation plus fidèle de la réalité des conversations et des situations qui les produisent. Il reste un dernier point, et non le moindre, à mettre en valeur : le recours à une orthographe s’écartant du modèle conventionnel, l’oralité du style, l’emploi sporadique de l’argot et le choix délibéré de l’auteur de n’avoir pas retenu une forme d’allemand parlé en particulier. La traduction française tient compte de cet aspect.
La forme du deuxième drame épouse l’anti-académisme présent dans l’orthographe de l’auteur. Tout paraît déstabilisé et déstabilisant à qui se frotte pour la première fois à cet univers, et à qui refuse de se défaire des codes de lecture ou d’interprétation classiques. Mamma Pappa Zommbi, classique quant à son thème, s’inspire de l’effet linéaire et de l’effet simultané pour mettre en rapport, c’est-à-dire en synchronie, les scènes et les dialogues.