Le début des années 1990 marque en Italie un tournant politique majeur. En pleine chute du bloc de l’Est, la péninsule voit ses juges s’attaquer à la toute-puissance de la mafia et à la corruption des partis politiques. La crise de confiance qui s’ensuit aura des conséquences inattendues. En 1994, un homme d’affaires milanais, Silvio Berlusconi, accède au pouvoir. Avec lui, l’extrême-droite jusque-là marginalisée devient un appui incontournable. L’édition, la presse, la télévision, le cinéma sont en grande partie contrôlés par celui que l’on nomme le Cavaliere. Aujourd’hui, le règne de Berlusconi s’est achevé, mais son allié, la Ligue du Nord, a refait il a peu son apparition au sommet de l’État au sein d’une nouvelle alliance.
Dans ce contexte, du reste annonciateur pour nombre d’autres pays européens, le théâtre italien est demeuré un espace de liberté et de résistance. Nous avons souhaité le rappeler dans cet ouvrage à travers la présentation d’extraits de 56 pièces de 45 auteur·rices auxquelles s’ajoutent des essais critiques, des témoignages de metteur.ses en scène, un entretien, un reportage, un portfolio et des biographies. Bien entendu, aussi large soit-il, notre choix ne prétend pas à l’exhaustivité.
Parfois ouvertement politique, souvent iconoclaste, le théâtre italien de 1990 à 2020 a su mieux que d’autres disciplines artistiques s’affranchir des institutions pour affirmer son indépendance. Chemin faisant, il raconte une Italie singulière où malgré une population vieillissante et une natalité en berne, la famille demeure un prisme opérant pour raconter la société, où les tragédies migratoires font ressurgir les drames de la vieille diaspora, où le féminisme et les combats sociaux s’écrivent au présent, et où l’oralité a conservé sa force, à la scène comme à la ville, fidèle au temps lointain de la commedia dell’arte.
Aux éditions Théâtrales avec le soutien de l'Institut culturel italien de Paris.