Jette vient d’avoir 10 ans. Son frère, Emil, n’en a eu que 6. Comme toutes les semaines, Jette est devant la tombe de son frère, décédé d’un cancer. Mais elle s’adresse autant à lui qu’à nous. Elle raconte le temps de la maladie, et celui d’après. Elle raconte les peurs de son frère, les siennes, celles de ses parents et retrace devant nous (mais est-ce la première fois ?) le fil de ses souvenirs, n’occultant ni les joies ni les peines traversées.
Ce qui frappe, à la lecture de ce monologue, c’est d’être simple sans rien simplifier. Les mots que Jens Raschke prête à Jette ne sont ni infantilisants, ni larmoyants. Le parti pris du récit ouvre à une scène à la fois calme et émouvante, qui se confronte sans la minorer à la gravité de la mort. C’est ici d’une mort injuste qu’il s’agit, « inadmissible », comme dit la mère, qui rend plus difficile encore le travail du deuil. Celui-ci nous est présenté sans détour, avec sa part d’inconsolable, mais aussi ses étapes, et l’horizon d’une acceptation qui ne soit pas un oubli. Le personnage de Jette, jusque dans la langue, refuse de dresser un portrait infantile, de soustraire les enfants à la réalité du deuil. Du côté des parents, là aussi, Raschke ne fait pas de concession, montrant les faiblesses et les difficultés d’adultes faillibles : « entre-temps », c’est aussi ça qu’apprend Jette, que les parents n’ont pas réponse à toutes les questions, même s’ils n’osent pas toujours l’avouer. Ce texte n’a pas de « leçon » à donner. Il tâche de faire œuvre d’une réalité difficilement tolérable, et de la présenter humblement à son public, quel qu’il soit.