Un fléau s’abat sur l’Angleterre. Les champs sont inondés, la nourriture se fait rare et la peur s’empare du pays.
William Bloor, jeune foxfinder (chasseur de renards) de 19 ans, arrive à la ferme de Judith et Samuel Covey pour enquêter sur une infestation présumée de renards. La récolte des Covey n’a pas atteint l’objectif fixé par le gouvernement, qui veut comprendre pourquoi. Formé et formaté dès l’âge de 5 ans dans un sombre Institut, William est obsédé par sa mission qui consiste à débusquer les renards qu’il tient pour responsables des malheurs des Covey (y compris la mort de leur fils unique, qui a plongé le père dans une profonde dépression dont les effets se font encore sentir au sein du couple). Si la présence de renards est avérée, Judith et Samuel perdront leur ferme et quiconque se rebelle (à l’instar de Sarah, la voisine, quatrième personnage de la pièce) contre le système est menacé d’être envoyé travailler en usine, où l’espérance de vie ne dépasse pas trois ans.
Pour William, à l’austérité monastique et terrifié par ses propres pulsions refoulées, le renard représente une sexualité sauvage et débridée et, ennemi mortel de l’humanité, il a le pouvoir de contaminer les fermes, d’influencer le climat, de troubler les esprits et de tuer les enfants. L’obsession de William conduit les fermiers et amis à se trahir les uns les autres, et finit par ronger Samuel, dont le chagrin se mue en colère et soif de vengeance, sous les yeux effarés de sa femme.
La fable imaginée par l’autrice se déroule à une époque indéterminée, dans un monde à la fois parfaitement plausible – il faut nourrir le bétail, récolter les poireaux et préparer les repas –, et imprégné d’une inquiétante étrangeté. Les relations entre personnages, les situations, les conflits n’y sont pas surlignés mais n’en sont pas moins percutants et angoissants. Avec une remarquable économie de moyens et de mots, l’autrice déroule une intrigue qui nous saisit et nous entraîne méthodiquement jusqu’à la révélation finale.
Drame dystopique, parabole sur la propagande, la répression et la recherche irrationnelle de boucs émissaires, la pièce se lit à la fois comme un thriller haletant et une dénonciation des certitudes fondamentalistes et d’une société où l’individu est écrasé par une force dictatoriale supérieure. Ce texte, écrit en 2011, résonne plus fortement que jamais avec l’époque que nous traversons, entre dérèglement climatique et montée des intégrismes en tout genre.