Armés d’un gros bouquet de roses d’un service de cristal et d’un large sourire, quatre élèves de Terminale sonnent chez Elena Serguéiévna, leur professeur. Ils viennent soi-disant lui souhaiter son anniversaire. Emue par tant de gentillesse, Elena les invite à partager un reste de gâteau. Mais, peu à peu, le ton change : ils ne sont là que pour récupérer la clé du casier où dorment leurs copies d’examen final, qu’ils veulent corriger eux-mêmes.
Un chantage d’une incroyable violence s’engage contre l’enseignante.
Réglée comme une machine infernale, entrainée dans sa course folle et pourtant parfaitement contrôlée par un de protagonistes, axée autour de la quête d’une clé, prétexte à tous les crimes, Chère Elena suit la règle des trois unités de la tragédie classique. Au-delà du fait divers et des actes motivés par le contexte socio-politique de l’URSS des années 1970, c’est une interrogation métaphysique qui sous-tend la pièce. La cruauté des lycéens est mesurée à l’aune du crime de Raskolnikov, du forfait de Iago, de la trahison de Judas. (…) Femme sans âge, Elena, par la grandeur de ses idéaux, son mystérieux auto aveuglément a « un tempérament de tragédienne ». Si elle se déclare morte et se retire du jeu (…) c’est qu’elle a perdu, non pas ses illusions, mais la foi. Elle a échoué dans sa mission : former ceux qui construiront un monde meilleur. (…)
Marie-Christine Autant-Mathieu