Dans un petit village en Syrie, le bilan de la guerre se fait de plus en plus lourd. Face au désarroi des familles en deuil, le chef de la section locale du parti décide d'un régime d'indemnisation radical : une chèvre pour chaque fils tombé en martyr. Dans ce monde régit par la manipulation, le mensonge et la peur, un père cherche à comprendre les circonstances réelles de la mort de son fils, mais sa quête de vérité est vite perçue par les autorités en place comme un acte de transgression majeure. Inspiré de faits réels, Chèvres raconte le chagrin et l’obsession de vérité d’un père, mais surtout l’absurdité de cette guerre et des violences extrêmes qui déchirent le pays depuis près d’une décennie.
Sans que la Syrie ne soit jamais proprement nommée dans le texte, Chèvres est une pièce de théâtre pleinement syrienne de par l’histoire qu’elle raconte et la tradition théâtrale dans laquelle elle s’inscrit. Avec ce texte, Liwaa Yazi devient l’héritière légitime d’un Muhammad al-Maghout (1934-2006), auteur de pièces cultes dans la mémoire collective syrienne (Le Village de Tashrin, Exil, À ta santé, ô patrie…), où se mêlent événements historiques, critique politique, désespoir, ironie, et culture populaire. Écrit en dialecte syrien et dans une langue au plus proche du parler et des systèmes de pouvoir qu’il décèle, Chèvres joue avec les codes de la culture populaire syrienne et l’esthétique kitsch du parti Baas afin de raconter un moment tragique dans l’histoire contemporaine de la Syrie, mais aussi pour dénoncer les mécanismes de manipulation et de propagande de tout régime totalitaire. Chèvres est une pièce drôle, monstrueuse, et nécessaire.