Résumé
Pour échapper aux ruineux et hystériques samedis shopping de leur épouse, Helmut, Luc et Eroll viennent régulièrement se réfugier dans la chaufferie en dessous du centre commercial. Ils y passent leur temps à essayer de faire marcher la télévision, à brancher et à débrancher des objets sans réelle utilité et à commenter les dernières folies de leur compagne. Mario, un pompier en civil, arrive pour les déloger, mais il s'avère rapidement un compagnon d'infortune. Les désormais quatre hommes s'accordent sur un point : il faut empêcher les femmes de leur faire perdre tout leur week-end ! Leur caractère respectif se dessine de plus en plus clairement : Helmut est un hypocrite lâche, Luc un érotomane cynique qui ne cesse de flirter par portable interposé, Eroll une âme un peu simple, Mario un faux dur. Le plan qu'ils échafaudent pour s'imposer semble infaillible. Mais c'est sans compter sur l'impossibilité de raisonner une femme qui lèche les vitrines. Helmut, Luc et Mario se retrouveront expulsés de chez eux et finiront par perdre la raison à force de chercher la bonne méthode pour réintégrer dignement leurs pénates. Seul Eroll réussira à tirer son épingle du jeu, car il aura compris que "ce que femme veut, c'est ce que femme ne veut pas !".
Regard du traducteur
Crèche pour hommes représente un type, a priori fort rare, de comédie de boulevard à l'allemande, de haut niveau scriptural, de surcroît ! Sa lecture révèle, de fait, un monde où des hommes, à tout point de vue médiocres, sont écrasés par des femmes hystériques et dépensières, et se réfugient dans une misogynie infantile et à terme auto-destructrice ; tout ceci n'étant pas traité sur le mode du drame psychologique, mais de la satire, de la caricature, de la dérision, et avec un trait qui cherche -et trouve- le rire à toute occasion, fut-elle finalement tragique. Comme beaucoup de comédies de boulevard, la pièce s'achève en effet par la défaite piteuse du mâle vil et ultra-cocu, c'est-à-dire, en réalité, dans la noirceur la plus absolue (à prendre ici au pied de la lettre, puisque le trio perdant se retrouve enfermé sans lumière), noirceur et défaite qui ne sont épargnées qu'à l'âme (relativement) simple et pure du groupe. La plus grande force du texte, outre sa grande drôlerie verbale et sa vivacité d'écriture, est d'ailleurs structurelle : le triomphe d'Eroll, à la fin, a lieu parce que celui-ci approfondit de plus en plus (et d'abord de façon irrationnelle) un conseil que Helmut lui donne, par dérision, au début ("pense à Hemingway !") ; inversement, la descente aux enfers de Luc est rythmée, tout au long, par ses flirts sur le portable. De même, les running gags de la télévision impossible à faire marcher et des prises électriques insuffisantes pour quatre sont conduits tout au long avec un à propos systématiquement psychologique, mais aussi toujours ludique : l'objet comme défouloir, le branchement compulsif comme substitut à la pénétration, la combinaison objet+branchement comme tentative de s'ériger en "mâle dominant" du groupe. La charge anti-commerciale de l'auteur n'est pas assénée avec lourdeur, mais avec un excès jubilatoire, et sa façon de montrer l'éclatement du couple sous l'aspect de la frénésie des achats n'a rien de démonstratif. Une pièce très drôle, parfois loufoque, qui ébranlera nombre d'idées préconçues sur le théâtre allemand !