Lou et Tosh, 24 ans, sont colocataires. Tout en scrollant sur leurs portables ou leurs ordinateurs, elles discutent – de leurs rêves pour Tosh, de leurs aventures sexuelles pour Lou. Tosh veut apprendre à Lou à s’extraire du discours dominant. Pas besoin d’affection ou d’attention masculine pour s’affirmer en tant que femme. Quand leur amie Fran refait surface pour leur annoncer qu’elle va se marier, les deux amies sont révoltées. Lou est prête à renoncer à tout pour suivre le modèle de Tosh, mais quand cette dernière croise un garçon qui lui fait un compliment, elle lui tombe dans les bras et s’en va avec lui. Dévastée, Lou se console en compagnie de Fran, fraîchement célibataire, mais au fond, elle ne peut se libérer de l’emprise de Tosh.
Miriam Battye signe une pièce provocatrice et ambigüe sur les rapports entre jeunes femmes et les dangers de la pensée radicale. L’air de rien, au fil de conversations apparemment anodines, elle dénonce les dérives de l’ultra-féminisme avec un humour de satiriste. Dans un style hyper réaliste, elle nous plonge dans l’intimité crue des jeunes femmes, jusque dans leur salle de bain, et dissèque les émotions complexes et contradictoires de ses personnages, oscillant entre arrogance et fragilité, certitude et instabilité, tendresse et cruauté. Elle dénonce le modèle imposé aux jeunes femmes, la quête d’amour présentée comme une fin en soi, l’indispensable regard des hommes pour rehausser l’estime de soi.
En reproduisant le langage d’aujourd’hui, Battye révèle ses dangers, sa violence aussi, tout en montrant la difficulté que nous avons à nous exprimer, les failles, les imprécisions dans lesquelles se glissent les malentendus et l’incompréhension.
Dans ce huis clos féminin, les écrans omniprésents symbolisent l’influence du monde extérieur. Les contenus qui défilent agissent insidieusement sur les mentalités, forgent les opinions tout en faisant croire aux individues qu’elles sont maîtresses de leur pensée.
La pièce parle aussi de la puissance des relations entre femmes qui peuvent aussi bien se rendre fortes, belles, battantes, que se détruire en quelques mots. De l’amitié aussi – vitale, mais aussi pleine de méandres et d’obstacles.