Feuilles

de Lucy Caldwell

Traduit de l'anglais par Séverine Magois

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : U.K.
  • Titre original : Leaves
  • Date d'écriture : 2006
  • Date de traduction : 2007

La pièce

  • Genre : Drame Familial
  • Nombre d'actes et de scènes : 3 actes
  • Décors : salon – chambre – jardin
  • Nombre de personnages :
    • 5 au total
    • 1 homme(s)
    • 4 femme(s)
  • Durée approximative : 2 heures
  • Création :
    • Période : mars 2007
    • Lieu : Druid Theatre, Galway, Irlande
  • Domaine : protégé – Agent français : Drama – Suzanne Sarquier

Édition

  • Edité par : Editions Théâtrales
  • Prix : 14.00 €
  • ISBN : 978-2-84260-273-4
  • Année de parution : 2008
  • 112 pages

Résumé

Lori est de retour parmi les siens, à Belfast, après un premier trimestre passé dans une faculté londonienne, une expérience douloureuse pour la jeune fille. Mais ses parents et ses deux sœurs ne savent ni ne comprennent ce qui s’est passé au juste. Dans ce drame où les relations familiales sont auscultées avec beaucoup de finesse et de tendresse, un père et une mère, démunis, essaient de démêler l’écheveau de cet échec et de leur culpabilité, et trois sœurs tentent de définir ce qu’elles sont  devenues les unes pour les autres au sortir de l’enfance.

Regard du traducteur

La pièce s’ouvre sur une scène de dîner réunissant une famille de Belfast : le père, la mère et deux sœurs (Poppy, onze ans, et Clover, 15 ans). On apprend que la sœur aînée (Lori, 19 ans), doit rentrer parmi les siens le lendemain soir, de retour de Londres où elle était partie faire ses études quelque trois mois plus tôt.  Aux gestes esquissés, à la tension des propos échangés, aux regards qui se fuient, à la sensation de malaise qui se dégage de toute la scène, on devine que quelque chose d’un peu lourd préside à ce retour. Mais quoi, on ne sait pas. Ce n’est qu’à la Scène trois que le mot sera lâché au détour d’un échange entre les deux sœurs : « C'est même pas comme ça que ça s’écrit, suicide » déclare la cadette à la benjamine, qui tente dans son cahier d’énumérer les raisons possibles du geste de l’aînée. L’ensemble de l’Acte I se déroulera ainsi, dans l’attente du retour, et dans le questionnement : pourquoi, que faire, comment réagir, comment sera-t-elle, sommes-nous responsables, pouvons-nous l’aider… ?

Dès la première scène de l’Acte II, nous découvrons Lori, le soir de son retour. Après une première scène d’affrontement avec sa mère, elle refuse de descendre dîner avec les siens, après avoir passé la majeure partie de la journée au lit. Elle a refusé de voir ses sœurs à leur retour de l’école… son comportement laisse tous les autres totalement démunis, partagés entre l’incompréhension totale, la colère (le père refuse, selon ses termes, d’être pris en otage par la situation), la compassion, si maladroite soit-elle, l’indignation des deux sœurs d’avoir été trahies… Et peu à peu on découvre en Lori un être profondément fragile, qui dit porter en soi depuis toujours une part de ténèbres qu’elle n’a jamais su s’expliquer. Ou la violence qui a entouré son enfance (elle a grandi à Belfast, rappelons-le, au plus fort de la guerre civile) serait-elle à l’origine de – ou du moins liée de très près à – cette blessure intérieure ? La pièce ne fournit aucune explication tangible.

L’Acte III, un peu plus bref, est construit comme un flash-back : trois mois plus tôt, dans le jardin, on fête le départ de Lori pour sa faculté londonienne. Les parents sont très fiers de leur fille qui sera peut-être la première de la famille à pouvoir échapper au « destin irlandais ». La mère projette en sa fille tous ses rêves d’émancipation (elle est restée avant tout une mère, dont la fonction première est d’être nourricière), le père ses rêves de réussite. Et au fil de cette scène très touchante, on ne peut s’empêcher de se demander si Lori n’a pas fini par craquer sous le poids de tous ces espoirs dont elle était dépositaire mais qui ne lui appartenaient pas nécessairement ? N’a-t-on pas attendu trop d’elle, malgré – ou à cause de – tout l’amour et de toute l’admiration qu’on lui a toujours portés, à elle, la fille/sœur aînée ?

Racontée ainsi, la pièce peut paraître bien psychologique. Psychologique, elle l’est sans doute, dans sa mise à nu des relations familiales, mais avec subtilité et sobriété. Et si la pièce touche en effet un sujet très sensible (le suicide des jeunes gens), elle évite toujours l’écueil du mélodrame, notamment grâce aux personnages très savoureux des deux sœurs, surtout la plus jeune, assez irrésistible.

Reste que la pièce échappe aussi à une forme de réalisme psychologique plus convenue par son écriture même, extrêmement précise et rythmée, faussement ordinaire, et la traduction tente de restituer la singulière « petite musique ».