GRRRL est une fable moderne sur les contradictions intimes d’une société patriarcale qui prétend être féministe. Ce sont treize scènes autonomes qui se déploient avec humour pour dénoncer l'hypocrisie des discours qui s'immiscent dans toutes les strates de la vie. Les scènes ont lieu dans un comité de lecture, dans une réunion parent-prof, dans un rendez-vous médical, dans une chambre d’amoureux, dans les toilettes d’une entreprise… et à chaque fois, les situations dérapent. Le langage trahit et révèle ceux qui n’écoutent pas les personnages féminins. Que vont-elles faire ? Se taire ? À chaque situation, sa réponse. Mais les zones troubles sont exposées et les femmes pointent les injustices. Avec humour, et sans s’enfermer dans la position dans laquelle elles sont placées, elles expriment leur colère. GRRRL.
Dans GRRRL, Sara García Pereda se place comme fine observatrice des dynamiques qui nous entourent et pose les questions suivantes : Qui parle ? Qui est écouté ? Qui met-on en avant ? Qui arrive à exprimer l’injustice vécue ? À travers treize scènes autonomes et vingt-huit personnages qui se croisent, Sara García Pereda explore jusqu’à quels recoins de nos vies et de nos conversations - intimes ou professionnelles - se cache l’appropriation du féminisme par le patriarcat et le capitalisme.
Les personnages ont des âges différents et sont nommés par les fonctions qu’ils occupent les uns par rapport aux autres : Stagiaire-Cheffe, Ami-Allié, Mère-Personnel d’Éducation, etc. Ils représentent des archétypes que l’on retrouve parfois d’une scène à l’autre et cela tisse une toile-monde. En effet, les personnages sont pris, comme nous, dans différentes relations qui les confrontent à des modes de conversation et des rapports au langage différents. Et à chaque fois, l’intime est traversé par le politique.
La possibilité d’une unification dramaturgique des scènes existe, par les personnages qui reviennent mais aussi par la présence de la Batteuse qui marque le rythme tout le long de la représentation. Cette unification sonore révèle quelque chose de la tension qui se déploie dans l’écriture de Sara García Pereda. Elle emploie un langage très parlé, rempli d’humour, qui fait monter la tension dramatique entre les personnages avec une attention minutieuse portée au rythme.
Dans GRRRL, Sara García Pereda explore cet archétype moderne de l’allié du féminisme - celui qui dit comprendre, qui dit savoir, qui dit connaître les réalités et les difficultés d’être une femme dans la société mais qui, sous couvert de bonnes intentions, est parfois aveugle à ses propres privilèges et se place lui-même comme le protagoniste des situations. Ce qui est intéressant dans la dramaturgie de Sara García Pereda, c’est que cette question n’est pas uniquement traitée dans le thème des différentes scènes mais dans la position qu’ont les personnages les uns par rapport aux autres, notamment à travers le langage. Qui est exclu des conversations, qui y participe, comment le silence ou le trop plein de mots est une manière, encore une fois, de ne pas écouter ce que les femmes ont à dire.
Et face à cela, que font les personnages si, comme le dit la citation d’Alice Birch que Sara García Pereda met en exergue, l’espoir et la gentillesse ne suffisent plus ?
Alors certaines s’emparent avec humour de la situation - comme la femme qui organise un bingo avec le public pour parler de son ex “féministe” - d’autres essayent d’argumenter, d’autres finissent par se disputer, d’autres se souviennent des fois où elles n’ont pas su se défendre, certaines s’énervent, d’autres se révoltent - et finalement, peu importe si la personne en face les écoute ou pas - elles parlent, enfin.