Monsieur Stuck, Monsieur Borchert et Madame Ariane ont, tour à tour, rendez-vous avec Madame Mira, de l'agence Fatum, qui est chargée de "reformater" leur personnalité pour les rendre aptes à une carrière professionnelle sans faille. Les entretiens et les rencontres virent peu à peu à un jeu de rôles dangereux et incontrôlable, dans un espace qui finit par se révéler carcéral.
Handikap est une comédie qui puise sa force dans l'économie de moyens : quatre personnages, cadre très strict des trois unités, concisions des dialogues. La pièce consiste moins en une dénonciation ironique de la société occidentale qu'un grossissement jusqu'à l'absurde du fonctionnement de l'entreprise, prise comme métaphore du monde réel contemporain. Des candidats à un poste doivent recréer leur personnalité afin d'être "adaptés" et "battants". C'est un monde cynique où la vérité des êtres se dilue dans un jeu de faux-semblants. Le ressort de l'intrigue est l'affrontement entre des rôles mi-feints, mi-sincères ; sa structure est une suite de malentendus drôles et cruels. L'affrontement se lit à plusieurs niveaux : lutte des individus pour leur liberté, lutte des personnages pour résister à la convention théâtrale et exister en eux-mêmes sur la scène, lutte d'une écriture sèche et froide et souvent incontrôlable, contre les attendus du réalisme. Pour autant, cette stylisation ne craint pas d'afficher les conventions du théâtre et y fait même référence. Les rôles rappellent parfois l'écriture de livrets d'opéras (on pense à "Cosi fan tutte" de Mozart) : la voix des personnages sont comme des partitions avec leurs motifs propres, les paroles se font écho d'une scène à l'autre, les personnages mêlent tantôt leurs voix à l'unisson, tantôt se parlent en aparté au vue des autres. Effets de grossissement et de comique qui mêlent le jeu sur l'écriture théâtrale à la critique du réel.