La pièce est une réécriture parodique du conte Veuve-Renard, des célèbres folkloristes norvégiens Asbjørnsen & Moe, publié en 1841. Lui-même parodique, le conte originel (inédit en français) narre l’histoire d’une renarde superbe qui vient de perdre son mari. Les rumeurs vont vite dans la forêt et les prétendants défilent : l’ours, le loup, le lapin, et enfin le renard qui aura les faveurs de Veuve-Renard.
Sara Li Stensrud passe se conte archicélèbre à la moulinette analytique de Bruno Bettelheim et en tire sa substantifique moelle : l’exploitation sous toutes ses formes et le désir sexuel. Elle conçoit dans un premier temps sa pièce comme, et c’est son sous-titre, une « pièce didactique » ainsi que Brecht l’avait pensée : les individus sont confrontés à la nature et à la société. Le conte se transforme en récit d’apprentissage (raté) tantôt didactique, tantôt pornographique, tantôt caricaturesque et souvent très burlesque. La dramaturge propose en effet une critique acerbe de l’esprit de compétition qui sous-tend l’idéologie néolibérale jusque dans ses plus amples retranchements, c’est-à-dire le désir et la sexualité. Elle modernise les « machines désirantes » de Deleuze et Guattari et les confronte à l’individualisme outrancier de notre époque contemporaine. Ainsi la quête effrénée de la beauté et de la perfection plastiques, la réalisation de soi comme but absolu, la sexualité forcément épanouie, trouvent leur écho dans cette pièce, à travers des emprunts non seulement aux contes de fée (Asbjørnsen & Moe, Grimm, Perrault), mais aussi à Tchekhov et Ibsen ou… aux horribles manuels dits de self-help.
Traduction réalisée avec le soutien de : Writer's Guild of Norway et NORLA (Norwegian Literature Abroad).