Sara est assise sous le porche d'une vieille maison coloniale. Dans quelques heures, elle doit prendre l'avion qui l'emmènera loin de l'île tropicale où elle se trouve. Cette femme, âgée d'une quarantaine d'années, est une «touriste professionnelle ». Son travail consiste à parcourir le monde à la recherche d'hôtels et de restaurants dignes de figurer dans les guides de voyage des pays occidentaux. Près d'elle, se trouvent deux valises : l'une contient ses affaires ; l'autre, quelques objets personnels qu'elle vient de récupérer dans cette vieille maison ayant appartenu à son mari, décédé sur l'île dans d'étranges circonstances. Alors qu'elle regarde la mer, Sara perd inopinément la vue. Un homme et une femme, tous deux originaires de l'île, viennent lui tenir compagnie. S'instaure alors un mystérieux rapport de forces et de séduction où chacun tente de percer les intentions de l'autre sans révéler les siennes. Qu'est réellement venue chercher Sara dans cette maison ? Que savent ces deux étrangers de la mort de son mari ? Chaque silence, chaque non-dit semble renvoyer à une dimension invisible et souterraine qui constitue le véritable enjeu de cette pièce.
La Femme qui ratait tous ses avions est un texte sur le désir réprimé et inavoué, l'ineffable désir qui n'affleure que quelquefois, inconsciemment, à la surface des mots. Le langage est ici pareil à un voile derrière lequel les personnages tentent de contenir cette force qui les traverse. Mais le corps est partout et le moindre contact physique (une main sur un cou) prend une dimension fantasmatique d'une sensualité extrême.
Sur le plan dramaturgique, ce texte simple en apparence (et en apparence seulement !) fait la part belle à l'ambigüité, instaurant un savant équilibre entre vérité et mensonge, sincérité et manipulation, parole et tabou, de telle sorte que le spectateur est mis face à une énigme qu'il ne peut résoudre qu'en se mettant lui-même en mouvement.