Une femme (Zaïda) et deux hommes (son mari Enzo et son frère Boris) se retrouvent dans une chaumière. L’enfant de Zaïda et d’Enzo a fait partie des otages assassinés dans une école. Depuis, ils ne songent qu’à leur vengeance – qui consistera à prendre des enfants en otages, et s’en servir comme bouclier. Plus que la préparation de cette vengeance, l’accent est mis sur l’évolution de chacun des personnages. Même si le point de départ de l’écriture de La Persistance est le massacre de Beslan (septembre 2004, jour de la rentrée des classes, des parents et leurs enfants sont pris en otages par un commando tchétchène. Le gouvernement russe fait donner l’assaut ; 331 tués, en majorité des enfants.), Griselda Gambaro n’a pas écrit une pièce sur ce massacre – ni sur aucun autre dans le monde - aucun lieu n’est nommé. Mais il est le point de départ d’une réflexion sur l’effet qu’un tel acte peut produire. Au début, Zaïda est prostrée. Sa douleur annihile tout. Puis un mot prononcé, le mot « déclencheur », en l’occurrence « enfant » la sort de sa torpeur. La violence et la haine s’emparent d’elle et l’envahissent jusqu’à atteindre ce que l’on ne pouvait imaginer : non seulement elle veut massacrer des enfants, mais avoir un autre enfant pour lui apprendre
« Une pièce n’est jamais totalement le fruit de l’imagination » Griselda Gambaro.
Cette pièce, dure, m’a plu, car elle analyse d’une manière précise, minimaliste, sans fioritures, l’évolution d’un sentiment et sa transformation, inéluctable, en un autre. Sorte de lavage de cerveau. Par quelles étapes passe-t-on avant d’arriver à un désir de vengeance, obsessionnel, qui s’apparente au fanatisme ? Comment l’esprit se ferme-t-il au point qu’il ne reste plus de place pour aucun autre sentiment ? La douleur empoisonne tout. Zaïda est prisonnière d’un sentiment sur lequel elle n’a aucun pouvoir. Les passions les plus intimes, et aussi les plus universelles, sont ravivées avec vigueur. On pense à une tragédie grecque. Mais il s’agit d’une pièce actuelle, aux dimensions universelles.
L’écriture, comme toujours chez Gambaro, est coupante, cinglante, sans un mot de trop.