Un fermier afrikaner et un journalier noir se rencontrent sur une route (allégorie de l'histoire dans laquelle leurs peuples se trouvent engagés côte à côte, quoique se dirigeant dans des sens opposés...) et entament un dialogue de sourds où, de l'incompréhension mutuelle, de la manipulation idéologique et du terrorisme psychologique que pratique le blanc, de l'hypocrisie de sa "langue fourchue" et du mensonge omniprésent dans son discours, va peu à peu se développer une formidable violence dont le point culminant sera atteint après la découverte que le blanc a pour maîtresse la propre femme du noir.
Un texte étrangement cruel qui, au-delà de son premier abord naïf, met en scène une véritable allégorie de l'Apartheid en Afrique du Sud.
A travers un travail linguistique et poétique très riche mettant en relief l'incommunicabilité, l'ambiguïté du langage, sa faculté de travestissement de la réalité, se dessine de façon terrifiante la folie ordinaire qui peut naître entre deux êtres, et au-delà, toute la folie que peut engendrer un système totalitaire d'exclusion qui, par la manipulation du langage et de la réalité historique, par la violence et l'abus de pouvoir, finit par déposséder les êtres humains de leurs biens les plus précieux et de leur humanité.
Un pièce très intéressante, qui rejoint le jeu de rôles enfantin ou la farce moyenâgeuse : grâce à des échanges aussi puérils qu'absurdes, tout est symbolique et destiné à faire office de catharsis.