Un jeune lettré Tan Chuyü tombe amoureux d'une jeune actrice Liu Miaogu. Pour celle-ci, il abandonne ses études et ses ambitions, il deviendra acteur et pourra côtoyer celle qu'il aime et dont il se fait aimer. Hélas, Liu Jiangxian, la mère de Miaogu veut marier sa fille à un sinistre personnage, Qian Wanguan. Celui-ci a promis une belle somme en guise de dot. Liu Miaogu ne parvenant pas à annuler ce projet de mariage se jette dans la rivière en pleine représentation Ian Chuyü la suit dans les flots. Ils sont transformés en soles puis de nouveau humaine sauvés par le serviteur de Mu Rongjie. Ce dernier, un haut fonctionnaire sans enfants adopte le couple qui peut enfin se marier. Tan Chuyü devient alors un haut fonctionnaire et hérite de l'ancien poste de Mu Rongjie.
Avant d'aborder le théâtre de Li Yu, j'avais d'abord lu ses nouvelles, puis un essai au titre poétique : "Notes prises à mes heures perdues" - où j'appris beaucoup sur la façon de vivre à la fin des Ming. Enfin, je trouvai un texte théorique de ce même Li Yu sur le théâtre et me réjouis car il y en a peu en Chine, surtout de cette époque. Naturellement, j'en vins à m'intéresser aux pièces qu'il écrivit, mit en scène et fit jouer à travers tout le pays. Le couple de soles est une grande oeuvre. C'est la seconde des dix pièces qu'il a signées. On y trouve, comme un palimpseste, tout ce qui lui tenait à coeur :
- la défense des femmes (traditionnellement soumises à leurs parents puis à leur mari ainsi qu'à leur belle famille) ;
- la défense des acteurs, méprisés alors. Le héros, Tan Chuyn avait l'ambition de devenir fonctionnaire ; il abandonne tout et devient acteur par amour.
- la défense de la liberté de l'individu : Mu Rongjie donne ainsi une leçon de "vie" au jeune Tan ; il renonce aux honneurs pour jouir d'une retraite sereine mais pauvre, en harmonie avec la nature. Après avoir atteint la gloire, ne faut-il pas savoir se retirer...
Li Yu n'est jamais pédant ni conventionnel. Il met dans la bouche de ses personnages des répliques qui pourraient être les siennes ou celles de ses proches. On ne s'ennuie jamais : il y a des péripéties, des rebondissements, des intrigues, des tentatives de corruption et une belle histoire d'amour qui finit bien. L'histoire pourrait être de toutes les époques, y compris la nôtre. Par ailleurs, sa conception du théâtre est très moderne. Li Yu sait s'adapter aux gens et aux circonstances. C'est un dramaturge tous publics. Si les gens sont pressés, on ne joue que les actes principaux ; qu'on soit inculte ou érudit, peu importe : les airs un peu difficiles à comprendre sont immédiatement repris en langage simple par le héros qui vient de chanter. Li Yu sait amuser et distraire tout en éduquant ou en faisant la morale : Molière ne l'aurait pas renié. Enfin, l'originalité est le maître mot pour caractériser Li Yu, surtout dans cette pièce : la vie est un jeu (parfois absurde), le théâtre en est un autre.