En revenant de New York, Lisa Jones a perdu une heure et depuis sa vie ne tourne pas tout à fait rond. Elle nous entraîne à Dissocia, un monde à la fois magique et effrayant à la recherche de cette heure. Le monde merveilleux de Dissocia est une sorte d’Alice au pays des Merveilles ou de Magicien d’Oz classé X.
Créer un monde qui n’existe que dans la tête de Lisa. Donner toute sa réalité à un monde imaginaire, pousser les limites de l’absurde le plus loin possible en l’assumant avec beaucoup de sérieux, rendre crédible l’incroyable…Cela demande aux comédiens de savoir jongler avec tous les styles de jeu, de l’absurde au naturalisme. Dissocia est un monde imaginaire, il faut lui donner une réalité et non pas l’illustrer. Créer un monde plausible qui défie toute logique habituelle et qui multiplie les lieux différents (sans changer de scénographie) et les styles de personnages, demande une grande précision et un travail sérieux et épuisant qui est d’être toujours en état de jeu. Le jeu est le point de départ. Tout repose sur lui. Anthony Neilson écrit ses pièces pendant les répétitions avec les acteurs. Son écriture passe d’abord par le plateau, elle n’est pas juste le produit de son cerveau. Il faut à tout prix respecter cet esprit pour que Dissocia puisse exister. Il faut pour cela choisir des comédiens qui savent créer ensemble, doués d’une grande énergie et capables d’un humour absurde qui ressemble fortement à celui des Monty Pythons, entre autres. L’humour de Beckett n’est pas loin non plus.
Il ne faut pas pour autant délaisser la création technique, celle-ci est essentielle pour rendre possible les interactions entre le monde réel et le monde imaginaire ainsi que leur cruelle opposition.
"Don’t hide madness." Allen Ginsberg
Notre société a fait de la normalité une série d’éléments dont il faut ou ne faut pas dévier. Or personne ne peut objectivement savoir à quel point il dévie de cette soi disante normalité ou pas. Cela rend les autres bien mystérieux. C’est ce mystère qu’Anthony Neilson nous propose de matérialiser en nous présentant Lisa qui souffre de dissociation de la personnalité. Parler de l’anormalité pour chercher à comprendre le monde est indispensable. Foucault n’a cessé de le répéter. Mais nous sommes au théâtre et heureusement Anthony Neilson ne l’oublie pas, il en parle donc avec humour et sens de la situation et n’oublie pas d’inclure au passage quelques chansons.
Enfin ! Une pièce écrite pour le spectacle avant tout !