Dans l’ambiance chlorée d’une piscine municipale – parabole parfaite de notre société aseptisée à l’excès –, Josep Maria Miró construit une histoire à partir d’un fait dont on ne sait s’il a réellement eu lieu : un enfant raconte à ses parents avoir vu un maître nageur embrasser l’un de ses camarades sur la bouche. S’agit-il d’un baiser innocent sur la joue, comme ne cesse de le clamer le maître nageur ou faut-il voir dans ce geste une intention réellement malsaine ? Les faits sont soumis à deux lectures parfaitement réfractaires l’une à l’autre, qui se maintiennent d’un bout à l’autre de la pièce de sorte que c’est au spectateur que revient en dernier lieu la difficile tâche de trancher.
Tout comme dans La femme qui ratait tous ses avions et Gang Bang, on retrouve donc dans le Principe d’Archimède une constante de l’œuvre de Josep Maria Miró : le spectateur y est mis en mouvement, en travail afin de prendre part au débat social que pose la pièce. Plus question de s’abandonner à l’illusion théâtrale, de se laisser dicter son attitude par le dramaturge. C’est sur cette liberté retrouvée que s’engrène l’utopie concrète d’un théâtre politique qui ne serait plus assertif ni dogmatique mais maïeutique.
Du reste, le problème soulevé par la pièce n’est pas seulement de savoir si le maître nageur est coupable ou innocent, puisqu’objectivement aucun indice textuel ne permet de le dire ; il s’agit aussi et surtout de s’interroger sur un modèle de société qui semble s’imposer en Occident. Préférons-nous vivre dans un monde où un acte de tendresse envers un enfant est encore permis, même si cela suppose de possibles dérives, ou préférons-nous une société sécuritaire qui, pour prévenir tout risque, préfère accroître la surveillance des individus ?