Deux frères, Alberteau et Gottliebeau, et leur père, Ernesteau, se retrouvent après 22 ans dans la maison de famille, où vit toujours le père. Il les a conviés à ce repas de famille, qu'il est obligé à préparer et servir lui-même, parce que Mme Seiert, la femme de ménage, s'est soudainement « trouvée empêchée ».
Dans la conversation, on apprend peu à peu les relations entre les trois, leurs histoires et biographies, leurs réflexions sur la vie – mais aussi des informations étonnantes qui apparaissent au détour d'une phrase, comme par exemple le fait que Gottliebeau trouve une femme morte à l'étage. Énigme qui parcourt toute la deuxième partie de la pièce, tout comme la question de la mère des deux fils, disparue de leur vie quand ils étaient encore tout petits. Les fils sont convaincus que le père veut leur annoncer quelque chose d'important, probablement concernant leur mère. Mais le père va bientôt entrer en maison de retraite, il semble parfois se perdre dans ses paroles. C'est finalement Alberteau qui annonce qu'il a eu contact téléphonique avec la mère, qui vit désormais au Kenya. Mais avant d'en apprendre un peu plus sur elle, la pièce se termine dans une pirouette quasi métaphysique, où les trois hommes commencent à douter de l'existence d'à peu près tout.
Toute la pièce est écrite en minuscules, il n'y a pas de ponctuation, à part les points finaux à la fin de chaque réplique. Il n'y a pas de hiérarchie entre les informations, les trois personnages passent du coq à l'âne sans avertir, il faut être très attentif aux changements de thèmes. On pense à l'association libre psychanalytique et/ou à un amas de phrases toutes faites, il y a même, de temps à autre, des citations entières dont on ignore la provenance.
Les personnages ont certes des prénoms, qu'ils utilisent entre eux, mais ne sont désignés dans le texte que par des lettres. Et leur leur vie est racontée plutôt que jouée et montrée sur scène. C'est du théâtre de l'absurde, du méta-théâtre, où les personnages discourent sur eux-mêmes en tant que personnages, en demandant à l'autre de redire une fin de réplique pour raccorder la leur ou en sachant qu'ils sont dans une pièce de théâtre.
C'est une pièce de conversation où il faut trouver la théâtralité en dehors du texte – qui ne comporte d'ailleurs pas de didascalies.
Bien que la pièce date de 2002 et que les personnages soient nos contemporains (le père dit être né en 1944), elle paraît étrangement surannée. C'est peut-être ça qui fait penser au théâtre de l'absurde, bien qu'elle le devienne de moins en moins – et de plus en plus psychologique – vers la fin, quand nous apprenons un peu plus sur l'histoire de la mère. Est-ce peut-être le fait que l'auteur soit originaire de la RDA ?