Sur Idéambulle, petite planète au fin fond de la galaxie, vivent les Bricoloptimus, des créatures de génie hautes comme trois pommes, qui maîtrisent à la perfection les principes de la mécanique et les mathématiques. Les Bricoloptimus passent leur temps à inventer, fabriquer, innover, perfectionner. Ils ne sont jamais à court d’idées, ce sont tous des scientifiques nés ! Tous, sauf Elida qui, de toute évidence, n’est pas très douée. Quand ses camarades cogibullent, Elida, elle, chantibulle. Sa plus belle invention ? Le jeu des rimes. Seulement, ce n’est pas une invention très appréciée par les Bricoloptimus. Bousculée et moquée par ses petits camarades, à l’exception de Lena, sa seule amie, Elida, à la nuit tombée, se réfugie dans un jardin. Sous le ciel étoilé, elle chante avec les oiseaux, auprès desquels elle trouve un peu de réconfort.
Arrive alors le grand jour, celui de la sortie scolaire au Musée de Verre, où sont exposées les plus belles inventions d’Idéambulle. Par sa maladresse habituelle, Elida provoque une fois encore les moqueries des autres enfants. Triste et incomprise, elle monte à bord d’une fusée, un prototype en exposition. Elle actionne le levier et… surprise, la fusée décolle ! Elida embarque pour un voyage dans la galaxie, sous les yeux ébahis de ses camarades de classe.
Au cours de son expédition, Elida croisera une galerie de personnages hauts en couleur, à commencer par Hochecaboch’, le narrateur, génie du boniment, qu’elle rencontrera sur une pierre de lune. Les deux compères feront route ensemble, de planète en planète.
Entre Le Petit Prince et Alice au pays des merveilles, Le Voyage d’Elida est une pièce initiatique d’une grande vitalité pour les enfants auxquels elle s’adresse. Ce texte, écrit dans une langue dynamique et ludique, se révèle un savant mélange d’humour, de fantaisie et d’onirisme.
L’autrice brosse un personnage plein de poésie, Elida, une petite fille tête en l’air et maladroite à qui on a collé une étiquette de boulet, ce qui l’exclut du groupe.
L’argument est simple, bien construit : dans un monde rationnel et utilitaire, la conception de l’intelligence est excluante. Elle revient à dire qu’il y a des individus plus utiles que d’autres, dès l’enfance. La curiosité, la créativité diffèrent de l’intelligence cognitive, et l’intelligence émotionnelle et relationnelle est rarement prise en compte. Les enfants sont de plus en plus tôt soumis à des impératifs de réussite et d’excellence, centrés sur des facultés de raisonnement et de logique, ce qui en termes d’imagination s’avère souvent catastrophique.
Elida est inadaptée, elle est un peu plus lente que les autres, elle n’en demeure pas moins une enfant avec des capacités formidables, pour autant elle ne rentre pas dans les normes. Elle traîne une étiquette de mauvaise élève qui l’isole de ses camarades (« Elida l’andouille, Elida la nouille »). Perdue dans un monde qui ne la comprend pas, elle parvient pourtant à s’échapper. Dès lors, l’univers s’offre à elle.
À travers le personnage d’Elida, la poésie s’immisce dans le texte, nous quittons le monde de la rationalité (celui des Bricoloptimus et de la planète Idéambulle) pour entrer dans celui de la poésie. La narration est portée par Hochecaboch’, sorte de Maître Loyal à la faconde guignolesque. L’adresse au public, jamais bêtifiante, permet une interaction constante avec les enfants. Passerelle entre la narration et le public, Hochecaboch’ offre un temps autre aux spectateurs. Il vient interrompre le récit pour y impliquer les spectateurs, il s’immisce à l’intérieur des répliques et, en compagnie d’Elida, il instaure un rapport inventif à la langue sur scène. Avec ce personnage jubilatoire, l’autrice trouve l’angle juste pour ne pas infantiliser le public. Elle apporte des éléments ludiques et pédagogiques, construits avec une très grande maîtrise.
Si cette pièce se prête volontiers à la marionnette, elle porte tout un univers sonore, musical et visuel et amène suffisamment de jeu pour se prêter à une autre forme.
Dans ce texte à destination des enfants, les univers se créent, les personnages s’inventent et se réinventent sous l’impulsion de la transformation des espaces. Dans un théâtre d’objets sonores connectés (autant d’appareils qui émettent toutes sortes de bips) Elida et Hochecaboch’ déambulent sur le fil de la poésie.