Deux prisonniers vivent à l’étroit, en promiscuité pour la vie, dans la cellule cosmique. Ils se querellent, se réconcilient, se racontent leur vie antérieure, s’adressent des injures. L'un est Romain, Tullius, l'autre Barbare et provincial, Publius. Pour le Romain, le suicide sera moins un geste personnel que son identification à l'utopie. Les recoupements avec l'œuvre poétique de Brodsky, son affection pour l’Antiquité, la dénonciation du despotisme par voie métaphorique, les allusions à la Russie, à Moscou troisième Rome, le tête-à-tête des deux prisonniers de l’espace-temps avec leur unique compagnon vivant, un petit serin, composent un mystère grotesque et poétique qui contient les gènes de toute l’œuvre de Brodsky.
Deux prisonniers purgent une peine à vie dans la Rome de Tibère transposée à l'époque de la cybernétique, dans la Tour où ils ont leur cellule à 1000 mètres au-dessus de la Ville éternelle. Rome est une utopie de l'espace et du temps, et la Tour est l'aboutissement de cette utopie. Le dialogue des deux prisonniers est tour à tour gouailleur, grossier. Les prisonniers font partie des 3 pour cent de prisonniers choisis au hasard par l’ordinateur, sur ordre de Tibère. Ils remplacent les 6,7 des statistiques habituelles de prisonniers dans tout pays.
J'ai traduit la pièce en 1990 à la demande d’Antoine Vitez, à Avignon, lors de notre dernière rencontre, lors de la représentation des Apprentis sorciers de Lars Kleberg, dont Vitez était le metteur en scène, et où il jouait le rôle de Stanislavski. La mort de Vitez me fit mettre le texte de côté. Mais je le repris plus tard, et en 2005 la pièce parut dans la collection Le Manteau d’Arlequin, chez Gallimard (toujours en vente).