Abstrait dans sa forme mais très concret dans son contenu, Regarde-moi quand je te parle examine le paradoxe des relations entre homme et femme, parent et enfant, victime et coupable, en termes psychologiques, biologiques, sexuels. La pièce franchit sans cesse la frontière entre amour et abus, entre attention et ignorance. Elle comporte deux parties qui examinent les relations mère-fils et père-fille. Qu’est-ce qu’un bon parent ? Comment réagir si son enfant offense les autres - ou est offensé ? Quels schémas de domination reproduisons-nous inconsciemment chez nos enfants ?
Déroutante dans sa forme mais concrète et d’une grande immédiateté dans sa langue, cette pièce traite de la relation parents-enfants et cela jamais de façon psychologique mais plutôt sous le prisme de la projection des craintes et des tabous au sein de cette relation. La première partie réunit Moi (la mère) et Mon fils, la seconde Moi (le père) et Ma fille. Des présences en miroir. Des figures plus que des personnages. Même leur âge est flottant et il en va de même pour les acteurs qui vont porter ces paroles, « ceux qui jouent ont tous les âges ».
Nous sommes dans un lieu mouvant, un espace dématérialisé où tout détail concret donne l’absurdité de la situation. La langue contient ici l’inconscient, les histoires inventées, voire fantasmées, des figures et nous propose une vision particulière du monde. La forme dramatique problématise la réalité tangible. La trame vient se superposer à la littérature qui s’inscrit dans une pièce bien faite qui joue avec les codes pour mieux s’en détacher.
Il y a chez Monica Isakstuen une parenté d’écriture avec Jon Fosse ou Arne Lygre : une langue minimaliste qui travaille le sous-texte, le non-dit, une langue très évocatrice qui offre une multitude d’interprétations, d’où la grande théâtralité de cette pièce où différents sens s’ouvrent en permanence.