Un homme d’une soixantaine d’années se présente pour louer un appartement, dont on comprend rapidement qu’il l’a déjà habité enfant, jusqu’à la fuite précédant l’invasion de l’Armée rouge en 1944. Les scènes alternent entre les deux périodes (avant-guerre et début des années 90) ; le père et la mère du « revenant », morts tous deux entre temps, sont cependant présents dans les scènes « modernes ». Le revenant confronte ses souvenirs à ceux de ses parents et du propriétaire, sans parvenir à dénouer les énigmes et les peurs de l’enfance, ni le traumatisme de la déchirure de 1944.
Il s’agit de la pièce la plus personnelle et la plus autobiographique de son auteur. Une connaissance sommaire du contexte historique (invasions successives de l’Estonie par l’Armée rouge en 1940, la Wehrmacht en 1941 puis de nouveau l’armée rouge en 1944, proclamation de l’indépendance en 1991) suffit sans doute au spectateur non averti pour se repérer. Le texte mêle l’absurde et l’irréel (télescopage des époques, personnages morts depuis longtemps, trou dans le plancher de la scène agissant et se comportant comme un personnage) et le burlesque des situations (pêche à la ligne depuis le balcon dans la cour de la maison) avec une théâtralité très forte, notamment lorsque des comédiens adultes se retrouvent dans leur personnage d’enfant. Plusieurs passages plus discursifs sont assez lourds et donnent une impression de maladresse, que l’on peut sans doute estomper ou, au contraire, choisir de souligner.