La pièce raconte les tribulations d’un Palestinien confronté, partout où il se trouve, à une image de son identité dans laquelle il ne se reconnaît pas.
Construite comme une succession de petites scènes aux enchaînements fluides, la pièce révèle un personnage attachant et complexe, ballotté par la grande Histoire – le conflit israélo-palestinien – et son histoire personnelle : Palestinien né en Israël, son métier de comédien l’amène à traverser les frontières, à vivre d’un côté et de l’autre, sans être totalement chez lui nulle part. Sans doute l’Auteur y a-t-il mis beaucoup de son autobiographie. Lancé dans une douloureuse quête de son identité, le narrateur est sans cesse rejeté par les autres dans des catégories qui lui sont profondément étrangères : celle du guerrier arabe avide de vengeance et finalement victorieux aux yeux de son public palestinien de Cisjordanie, réduit, dans les faits, à l’impuissance face aux incursions de l’armée israélienne ; celle du musulman et donc du djihadiste en puissance dans les aéroports internationaux ; celle du terroriste potentiel dans son propre pays, où de toute façon il n’est jamais perçu ou traité comme un citoyen ordinaire.
Le premier acte se déroule à Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne, une des villes de Cisjordanie dont l’armée israélienne s’est retirée suite aux accords d’Oslo. Un acteur, le narrateur et principal personnage de la pièce, s’apprête à se rendre au théâtre où il doit jouer dans une pièce du répertoire égyptien. Il y tient l’un des rôles principaux, celui d’un jeune prince guerrier, mi-historique, mi légendaire, impliqué dans une vendetta entre deux tribus pré-islamiques qui dure depuis quarante ans. Mais ce soir-là, l’armée israélienne a lancé une opération : la ville est bouclée, des hélicoptères de combat tournoient dans le ciel, les commerçants baissent précipitamment leur rideau, les promeneurs habituels ont soudain déserté la rue principale. L’acteur pourra-t-il arriver sain et sauf jusqu’au théâtre ? Doit-il risquer sa vie ou rebrousser chemin ? Et d’ailleurs, le public viendra-t-il ? En fait, le théâtre est plein et la représentation aura lieu, mais, pour l’acteur, les deux réalités ne tardent pas à s’entremêler : la guerre, toujours la guerre. Si lui-même a quelques difficultés d’ordre moral à s’identifier à son personnage, qui n’hésite pas à tuer hommes, femmes et enfants pour l’honneur de son clan, le public, en ces temps d’impuissance, a reconnu son héros et s’est déplacé en masse.
Le deuxième acte se déroule à Paris, où le narrateur vient de passer six mois et s’apprête à revenir « au pays ». Ce n’est déjà pas facile de savoir qui on est quand on est simultanément palestinien et israélien, alors l’expliquer aux autres….surtout un 10 septembre, quand on veut prendre l’avion pour Tel Aviv. Refoulé de Charles de Gaulle, il revient à Paris pour 24h et retrouve son amie française pour une folle équipée à bicyclette à travers la ville : pur moment de bonheur. Alors pourquoi ne pas rester en France, où finalement, il ne se sent pas tellement plus étranger que dans son pays natal ?
Le troisième acte se déroule à Tel Aviv. A l’aéroport de Lod, où l’avion atterrit, sa patrie lui a réservé un accueil spécial : la police de sécurité vient le chercher jusque sur le tarmac, à des fins d’interrogatoire. Même dans son pays, il n’est pas un citoyen comme les autres…
Par la diversité des situations et la force des sentiments qu’elle décrit, la pièce offre au comédien la possibilité de s’exprimer pleinement dans des registres variés. Le sujet est grave, tragique même, mais traité sans emphase, sur le ton de l’i
La pièce a été écrite à l’origine en hébreu. Il en existe aussi désormais une version en arabe. Le spectacle, créé par Ofira Henig à Jérusalem fin 2006, joue alternativement dans les deux langues, selon le public. Le spectacle, en arabe, avec l’acteur Khalifa Natour, a été invité aux Bouffes du Nord, à Paris, début 2007.
Extraits d'un court texte rédigé par Peter Brook après la présentation de la pièce à Paris
In Spitting Distance, which we have just welcomed to the Bouffes du Nord, was more than a play. For Paris, it was a living event….
….What made this event far beyond what one calls « good theatre » is that it fulfils the requirements, so rarely met, of « true theatre ». In this, there is no separation between thoughts, ideas, conflicts and ideals – they all come together. What reaches out across the space from one human being to other human beings is one intense act of humanity lived together by all…
… Today, a theatre must, more than ever, be one of the remaining spaces in our shrinking world where politics, cultures, religions, dogmas, prejudices and aggressions can open to one another in a moment in which the universality of human experience can be recognised and accepted…. One instant of reconciliation is worth a thousand conflicts.