Barouf en automne, tel est l’objectif de Jürgen et Katrin, deux amis retraités qui, ayant certes du temps, mais pas d’argent, mènent une vie peu exaltante entre leur quotidien modeste et le centre commercial du coin. Jürgen, ancien entrepreneur et veuf depuis peu, peine à redonner un sens à sa vie, tout en rêvant de posséder une maisonnette en Finlande. Katrin, ancienne bibliothécaire en plein divorce, tergiverse en faisant du tri dans sa cave. C’est ainsi qu’elle tombe sur un vieux Leica qu’elle juge sans valeur marchande et échange contre un appareil numérique neuf. L’opération hautement symbolique est le point de départ d’une expédition menée tambour battant par le duo pour récupérer le Leica au dépôt du magasin. Mais les choses tournent mal puisque Jürgen tombe sur Katter, jeune employé récemment arrivé dans l’entreprise et déjà rétrogradé au dépôt. Jürgen, pris au dépourvu, l’assomme avec son passe-partout. Jürgen et Katrin le traînent dans la cabane de jardin de Jürgen, où Katter reprend lentement ses esprits. Ils se disputent sur son sort, et Katrin finit par laisser les deux hommes en plan. Une certaine complicité – une forme de solidarité entre déclassés – se développe entre eux : loin de les dénoncer, Katter décide de les aider à récupérer le Leica, tandis que Jürgen le persuade de changer d’employeur. En fin de compte, Katter se fait licencier, ce qui lui permet de créer sa propre entreprise en installant des routeurs gratuits dans toute la région, s’assurant ainsi une clientèle fidèle. Jürgen récupère par la force le Leica de Katrin qui en profite pour quitter définitivement son mari et le trio s’envole pour la Finlande, où ils atterrissent joyeusement… dans le centre commercial du coin.
Dirk Laucke se penche ici sur la vie des laissés-pour-compte de l’ex-Allemagne de l’Est, un thème récurrent dans sa production théâtrale. L’humour parfois grinçant va de pair avec une évidente sympathie, voire empathie de l’auteur envers ses personnages, pris dans les rets d’un néo-libéralisme cynique et littéralement prêts à tout pour s’en sortir.
Si la pièce est fortement ancrée dans la culture berlinoise et est-allemande, elle n’en a pas moins une dimension européenne – la dérive de la société occidentale – et universelle – la crise de la culture, pour citer Hannah Arendt – qui la rend certainement intéressante pour un public francophone.