Une double prosopopée, des morts qui parlent. L’une a tué l’autre : la jeune Normande, « simple citoyenne » arrive à Paris, venant de Caen, et y exécute, le 13 juillet 1793, l’ogre (le héros, star révolutionnaire) parisien. Elle sera décapitée le 17 du même mois, après un jugement exprès. Pour chacun, une sorte de justification, d’introspection ou d’appel post-mortem. Ce n’est pas vraiment un dialogue, chacun parle de son côté. C’est plutôt la remémoration assumée d’un bain de sang.
L’ouverture, en forme de mise en bouche, est une veillée funèbre en 1990, lors de la mort d’un grand-père, supposément de l’auteur. Le « Chant d’honneur » final est celui de Charlotte, toujours partante au combat.
Un tableau d’aujourd’hui qui décape la vision française (pour ou contre) de Charlotte Corday en quête du bien au début de la Terreur, en 1793. Nara Mansur, notre contemporaine, une Cubaine, élevée dans un bain d’idéologie révolutionnaire à sens unique, se penche en toute liberté d’esprit sur le geste d’une jeune femme enflammée, puissante, Charlotte Corday, porté à l’encontre du conventionnel montagnard Marat, qui publie ses opinions dans son journal L’Ami du peuple. Mansur y discerne, dans la tourmente de l’année terrible, une quête du bien, alors que le sang appelle le sang. Sur fond de rappel à ses propres morts, incluant le souvenir d’une veillée funèbre, celle d’un grand-père « mort sans rien savoir, sans nouvelles » : c’est mieux !