Cherche mon pays sur google !

de Mihaela Michailov

Traduit du roumain par Alexandra Lazarescou

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Roumanie
  • Titre original : Google ţara mea !
  • Date d'écriture : 2010
  • Date de traduction : 2011

La pièce

  • Genre : théâtre politique et militant
  • Nombre d'actes et de scènes : 24 scènes
  • Décors : non précisé
  • Nombre de personnages :
    • 9 au total
    • 5 homme(s)
    • 4 femme(s)
  • Durée approximative : 1h20
  • Création :
    • Période : 12 mars 2010
    • Lieu : Théâtre Foarte Mic de Bucarest, Roumanie
  • Domaine : protégé

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Avec Cherche mon pays sur google !, Mihaela Michailov dresse un portrait au vitriol des questions identitaires et communautaires qui agitent la Roumanie, elle dépeint des scènes de la vie raciste : la discrimination dont sont victimes les noirs et les Roms vivant en Roumanie ; les clichés de la discrimination, la discrimination positive, les préjugés, l’hypocrisie, les idées fixes ; adossés à l’idéologie des partis extrémistes.
En s’appuyant sur des histoires vraies, fruit d’un travail documentaire (recueil de témoignages, interviews), Mihaela Michailov décrit la banalisation de la discrimination dite « ordinaire ». Car, tout comme l’insulte médiatique française « Roumain=Rom=Mendiant » laisse tout le monde indifférent en France, le racisme est une notion à géométrie variable en Roumanie.
Les récits s’enchevêtrent : celui d’une jeune femme métisse à qui l’on rappelle sans cesse sa différence ; celui d’un jeune homme d’ethnie Rom, constamment victime de discrimination ; celui d’un jeune homme blanc qui cède sous la pression de l’entourage et rompt avec sa petite amie métisse ; celui d’un enfant souffre-douleur de la classe dont la maîtresse encourage la discrimination ; celui d’un journaliste radio qui se fait la voix des « anonymes » en lisant les commentaires qu’ils postent sur les forums… autant d’histoires nouées les unes aux autres qui disent le racisme pullulant de la sphère familiale et amicale à la sphère professionnelle, en passant par les déclarations récentes de la classe politique roumaine.

Regard du traducteur

Au cœur de cette pièce, se trouve, une question fondamentale : celle de l’Altérité.
La difficulté de s’envisager au sens propre est prégnante.
Le philosophe Emmanuel Levinas, revendiquait, de fait, la valeur éthique du visage, comme une épiphanie qui nous interdit de tuer.
Le visage de l’étranger, sa couleur de peau ; sordides critères qui sont à l’origine des pages les plus noires de l’histoire. La discrimination est le fléau de notre société malade ; l’ « hypermodernité » ne fait qu’entretenir l’illusion d’une Europe réputée démocratique et progressiste, alors qu’elle ne cesse de mettre en place des « seuils de tolérance » combinés à diverses formes d'ostracisme xénophobe.

Mihaela Michailov passe au crible les actes de violence, les dérapages de comportement et de discours, la haine de la différence, la peur de l’Autre.
Voici un projet qui dessine une belle ligne d’horizon : l’avènement d’un théâtre de protestation, une sorte de théâtre d’agitprop du XXIème siècle : un théâtre critique, sans concession, politique et provocateur, issu du monde temporairement contemporain.

Au sein d’une indifférence quasi-généralisée, voici une voix émergente qui tente de trouver un espace de résistance contre les mouvements intégristes, les propos haineux et la violence qui se déchaînent aujourd’hui. Pour défendre cette voix, on rêverait d’acteurs dont la rage serait immémoriale, autant que le désir ardent de construire un monde nouveau, un monde meilleur et plus heureux, un monde d’amants, un territoire de la vie au sens plein, susceptible d’accroître nos humanités.
Une réponse stridente aux obscurantismes.

La radicalité de la forme épouse la force du propos. De facture post-dramatique, la pièce se construit sur un agencement plurivoce où la structure dramaturgique est un entrelacs qui mêle récit, scènes dialogiques et chorales, monologues. Cette construction rappelle celle d’un site internet avec ses multiples ramifications, bifurcations, connexions : Cherche mon pays sur google ! est donc une sorte d’hypertexte théâtral. Sans fable, sans intrigue à proprement parler, nous avons affaire à une forme déstructurée proche du cut-up. L’écriture du fragment ne prend sens que dans sa totalité. L’originalité du geste tient aussi du jeu de correspondances avec la structure du Complexe Roumanie, l’auteure poursuit, en effet, sa poétique des « clips » dramatiques.
A l’intérieur même des scènes nous trouvons des scènes superposées qui démultiplient les lieux et les temps. Notons également la qualité du travail sur le partage des voix à l’intérieur des monologues.

Entre oralité brute de la rue, écriture en ritournelles, et poème dramatique, la langue est syncopée, plastique, musicale. Elle oscille entre une écriture directe, non-canonisée ; des répliques courtes et incisives, taillées dans un vocabulaire quotidien urbain, reflet de la société à laquelle les personnages appartiennent et à la mondialisation qu’ils subissent de plein fouet ; et des tournures enfantines, extirpées d’une enfance claudicante. Le rythme est soutenu.

Pour ce qui est du volet thématique, comme toujours dans sa dramaturgie, les motifs abordés tiennent de l’actualité sociopolitique roumaine ou de son passé historique et de ses conséquences sur le présent. Un texte révélateur d’une dramaturgie fort prometteuse, d’une plume prolixe, et d’un style au devenir fécond.
Loin d’être anecdotique, informatif ou événementiel, Cherche mon pays sur google ! rappelle avec force et justesse les origines mêmes de notre situation et notre responsabilité de citoyens européens. Car au-delà des frontières de la Roumanie, les mesures politiques européennes, notamment françaises, prises à l’égard des Roms, sont indignes et irrespectueuses des droits de l’homme.

Mises en espace  :
- Le 18 mars 2011, par Alexandra Badea au Centre culturel Theo Argence de Saint- Priest, Festival Transversales, Nuit des auteurs.
- Le 1er avril 2011, par David Bobee, Scène Nationale du Petit-Quevilly, Festival Corps de Textes Europe.
- Juin 2012 : Maison d’Europe et d’Orient, Paris, Festival « L’Europe des Théâtres » (2ème place du palmarès 2011/2012 d’Eurodram - réseau européen de traduction théâtrale).
- Le 25 août 2012, par Laurent Vacher, 18ème édition de la Mousson d'été à l'Abbaye des Prémontrés (Maison Européenne des Écritures Contemporaines), Pont-à-Mousson.
- Le 27 mars 2013, par Clémence Gross, Saison Roumaine, Maison d’Europe et d’Orient.