Dans un cabaret sordide, le directeur au bord de la faillite, engage un nouveau présentateur et une équipe prodigieuse. Il espère donner un spectacle comme il n'en existe nulle part ailleurs. La réalité et l'illusion se mêlent, et l'esprit du directeur se perd. Un enfant, à la voix sublime, fait partie de l'équipe. C'est l'histoire à l'envers de Pygmalion : le directeur du cabaret tombe amoureux de la voix de l'enfant, il veut la préserver des lois de la nature. Dans sa folie "artistique", il ira jusqu'à sculpter dans la chair de l'enfant.
Toute la trame de l'histoire est orchestrée par le présentateur avec la virtuosité d'un prestidigitateur. Le public finit, lui aussi, par confondre réalité et spectacle. Dans la pièce, Gilad Evron s'attaque à la culture-commerce, aussi bien qu'à la culture-idole. Il nous plonge dans un univers où tout est spectacle, tout est marchandise. Deux visions se confrontent : l'une permet au nom du sublime de commettre les pires atrocités, l'autre vise à doper le public avec les divertissements les plus bas.
Résumer en quelques lignes la raison pour laquelle j'ai choisi cette pièce est un défit considérable : la quantité d'idées qui sont concentrées dans une œuvre aussi compacte est étonnante. Déjà le titre de la pièce Ciel est accompagné d'un sous-titre La fin du monde. Quoi de plus actuel que cet intitulé au vu des événements qui accablent le monde aujourd'hui. L'auteur de Ciel fait preuve d'une grande clairvoyance dans son regard sur la société occidentale et ses maladies. Dans cette pièce, il nous plonge non pas dans une histoire noble et globale, mais dans un microcosme qui reflète comme un miroir la réalité : c'est l'univers du spectacle vu à travers un médiocre cabaret. De ce cadre sordide d'où surgit un univers violent ; les relations y sont mercantiles, l'illusion et la réalité s'y entremêlent de façon toujours plus tenue. Au cœur de la pièce, on assiste à un drame éthique, où l'enjeu du crime est esthétique et dont l'auteur est pris d'un coup de folie presque religieux. Quoi de plus choquant que cette petite histoire qui nous oblige à regarder en face notre avenir.