Le rideau se lève le jour de la mort de Clarinha, la deuxième des trois filles des Drummond à mourir noyée. Un choeur lointain pleure également une autre morte, une prositutée du port, assassinée il y a dix-neuf ans de cela. L’histoire va se dérouler autour du mystère de ces morts, se concentrant surtout autour de quatre personnages, à leur tour mystérieux : Misael, le patriarche de la famille Drummond, juge notable ; Dona Eduarda, la mère, femme encore belle et dont la fidélité est une obligation ; Moema, la seule fille qui reste (en plus de Paulo) et qui ne s’habille qu’en noir ; et son fiancé, ex-officier de la Marine, qui vit sur le port. Crimes et incestes vont tisser cette intrigue où la tragédie est revisitée avec humour et un sens aigu de la théâtralité.
Il s’agit d’une pièce emblématique de l’empreinte tragique de Nelson Rodrigues. Comme il le dit lui-même dans le programme du spectacle de 1954 : « Ce qui caractérise une pièce tragique, c’est justement son pouvoir de créer la vie et non pas l’imiter. Ce que nous appelons Vie, c’est ce qui se joue sur la scène et non pas ce que nous vivons ici, au dehors. » Tout dans cette pièce est construit pour que les notions de destin et de fatalité se traduisent en termes concrètement scéniques : la lumière du phare qui fait en sorte que la mer envahisse effectivement la maison des Drummond ; le rôle important que jouent les mains de Dona Eduarda et de Moema, dont les mouvements coïncident curieusement. Les images et les dialogues sont construits de telle sorte que le spectateur accompagne à la fois le déroulement de l’intrigue et les aspects concrètement poétiques de la scène. Le dialogue établit très souvent un contraste entre la violence des situations et le lyrisme prosaïque des répliques.
Valse n 6, suivi de Dame des noyés (Valsa n 6, 1951, Senhora dos afogados, 1947 - 1953) Éditions Christian Bourgois, « Le Répertoire de saint Jérôme », 1990.