Le texte ne propose aucune didascalie, pas mêmes celles qui définiraient le type d’espace scénique, il se présente comme une partition destinée à être interprétée par l’acteur avec l’intervention de son metteur en scène.
Le monologuant, incarnation de « l’âme du théâtre » est un comédien errant qui raconte dans cet espace vide l’histoire liée au mythe de l’Orestie en interprétant tous les rôles : Oreste, Egisthe, Clytemnestre, Electre, la foule et le chef du peuple. Les références de l’auteur sont surtout Eschyle et Alfieri. Le texte se présente en vers libres dans un mouvement qui s’appuie sur la parodie, le mélodrame et l’opérette.
Le monologuant raconte et adapte de manière grandguignolesque et porno-paroxystique les événements bien connus de la tragédie. Oreste rentre à Argos pour venger son père Agamemnon, tué par Clytemnestre et par son « nouveau gaillard », Egisthe qui désormais en usurpe le trône: salut mélodramatique d’Oreste à l’aube, auto-présentation des personnages, désaccord entre mère et fille, cauchemars, fantasmes et « grande baise » du couple royal, …
Accompagné par le fidel Pylade, Oreste se rend sur la tombe de son père où il rencontre Electre. La tragédie reproduit sur un ton grotesque la fable originale en accentuant la grande boucherie de la vengeance et en y ajoutant une touche archaïque et régressive de sexe, de viol incestueux, de bain de sang, jusqu’à ce qu’Oreste harangue la foule d’Argos depuis le balcon du palais royal.
Mais pendant ce discours, les furies apparaissent à son esprit, ce qui entraîne chez lui un changement d’attitude brutal et inattendu, puisqu’il se met à refuser toutes les propositions du représentant politique et religieux de la ville. Le héros se divise en deux et la pièce bascule dans une seconde partie plus distanciée du mythe original. Oreste renonce à la justice civile, à l’absolution d’Athéna et des citoyens d’Argos, il prend ses distances par rapport à la Polis, à son propre nom (ce qui explique le titre de la pièce) et il décide de s’exiler.
Les institutions civiles ont perdu pour toujours l’intégrité de leurs origines antiques, elles sont trop liées à l’habitude de la compromission, à la paix illusoire, à un jeu occulte et violent du pouvoir. Oreste préfère les furies, il préfère le renoncement en exprimant son refus du politique. Il rejoint idéalement la rébellion anarchique de la trilogie des années soixante dix de L’Hamblette, Macbette et Edipus. Le soir tombe, il monte sur son bateau, la voile se gonfle et il prend le large.
Comme le dit Giovanni Testori lui-même « Mon Oreste c’est la tragédie que la vengeance n’apaise pas, de l’ordre rétabli qui n’apporte pas la paix. Face à la Polis qui lui offre le pardon social, Oreste refuse ce retour à la normalité, cette manière d’étouffer la conscience à travers le chantage. Les pardons, les réconciliations qu’il attend sont bien différents : le rameur de son bateau n’est pas encore arrivé ».