On pourrait voir dans Diamants et blues le nième avatar d'un théâtre traditionnel à contenu psychologique et sociologique - dans ce qu'il a de meilleur. De fait, cette pièce est aussi, comme toutes celles de son auteur, le portrait fidèle d'une époque, où le caractère et la situation sociale des personnages sont indiqués avec beaucoup d'acuité. Difficile d'oublier, par exemple, cette grande bourgeoise délaissée, angoissée, hystérique, à la fois odieuse, ridicule et émouvante - tout comme l'amie et le mari - les jeunes aussi paraissent plus vrais que nature. Tous ces personnages sont à la fois denses et nuancés, cohérents et imprévisibles. Quant à la construction dramatique, elle dénote une sacrée maîtrise : peu de grands coups de théâtre, mais des surprises savamment distillées, des retournements de situation pleins d'ironie, et des moments d'émerveillement (fin des deux derniers tableaux) qui font mouche.
Diamants et blues est donc à même de plaire à un public peu friand d'aventure ; ce qui ne veut pas dire qu'il ne peut toucher aussi des spectateurs plus audacieux : il y a là tant d'ambiguïté dans les relations, de questions en suspens, d'instable et d'inachevé.
La psychologie est-elle ici l'essentiel ? Le personnage central ne serait-il pas plutôt... la musique ? Car on entend beaucoup de jazz ; tout culmine et s'achève sur l'exécution du fameux blues ; la pièce entière est construite sur des leitmotive (par exemple : le thème de l'attente) simplement variés. C'est un blues, un long solo de saxo, avec passages en demi-teintes et soudains éclats, subtil, envoûtant, et sûrement très délicat à monter.