Un père à la dérive, séparé de sa femme, n'a pas vu son fils depuis plusieurs mois. L'heure est venue des retrouvailles, ou du moins d’une tentative de rapprochement, au fil d’une soirée qui les mènera tour à tour au bord d’un fleuve, dans une rue, un bar puis dans la chambre d’une pension de famille où le père a trouvé refuge.
Dans la première scène, les échanges sont hasardeux, chacun est sur ses gardes, intimidé par l’autre, ils ne savent trop comment s’appréhender. Puis, peu à peu, ils osent se raconter davantage, se souvenir d’un passé plus heureux, évoquer leurs aspirations et leurs rêves, et faire comprendre à l’autre combien il lui a manqué. Mais si l’enfant, surmontant ses craintes, parvient à exprimer son amour pour ce père démissionnaire, l’adulte reste empêtré dans sa douleur et sa rancœur, convaincu que sa vie sociale et sentimentale sont un échec. Dans le bar, où il entraînera son fils malgré l’heure tardive, il franchit la limite : il s’enivre, laisse exploser sa violence et semble ainsi commettre l’irréparable. L’enfant comprend pourtant obscurément cette colère et cette détresse et c’est lui finalement qui se met en demeure de protéger son père. Les rôles se sont inversés. Avant de rejoindre le foyer maternel, l’enfant retournera s’asseoir sur la berge du fleuve, auquel son père lui a dit qu’il ressemblait – ce à quoi l’enfant avait répondu : « tu ressembles à la mer […] parce qu’un jour je viendrai à toi ». Il semble décidé, vaille que vaille, à tenir sa promesse. L’écriture concise de Keene, ponctuée de silences, traduit mieux que jamais la fragilité de ces deux êtres et leurs délicates retrouvailles.