Histoire d’un sanglier (ou quelque chose de Richard)

de Gabriel Calderón

Traduit de l'espagnol par Laurent Gallardo

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Uruguay
  • Titre original : Historia de un jabalí (o algo de Ricardo)
  • Date d'écriture : 2013
  • Date de traduction : 2023

La pièce

  • Genre : (méta)drame
  • Décors : Une scène de théâtre
  • Nombre de personnages :
    • 1 au total
    • 1 homme(s)
  • Durée approximative : 80 mn
  • Domaine : protégé

Édition

Résumé

Un acteur doit relever le défi d’incarner Richard III, l’impitoyable roi de la tragédie shakespearienne. Toute sa vie durant, cet acteur n’a joué que des seconds rôles, mais il est persuadé qu’il mérite cette chance et qu’elle le couvrira de gloire. Les autres membres de la troupe ne lui semblent pas à la hauteur de la pièce. Il les juge incultes, pathétiques et misérables. À cela s’ajoute le mépris qu’il porte au metteur en scène, ce seigneur chancelant dont il voudrait prendre la place.

Dès les premières répétitions, les affinités entre l’acteur et le tyran anglais commencent à apparaître. Tous deux sont ambitieux, sournois, séduisants et affreusement intelligents. Comme Richard III, l’acteur a soif de pouvoir et n’éprouve aucun remord à évincer un à un les autres acteurs de la pièce. Le personnage semble avoir pris le pas sur l’interprète, à moins que le théâtre ne soit rien d’autre qu’une lutte éperdue contre la bêtise humaine : « Mon royaume pour un spectateur intelligent », s’exclame cet ersatz de tyran shakespearien. Se dessine ainsi, par le biais du théâtre dans le théâtre, une réflexion sur les mécanismes contemporains du pouvoir, du désir et du ressentiment, ainsi que sur l’ambition humaine et ses excès.

Regard du traducteur

Dans cette pièce, Gabriel Calderón brosse le portrait d’un acteur volontairement dérangeant qui n'hésite pas à briser le quatrième mur pour interpeller le public, le prendre à témoin, lui raconter avec humour et impudence ses origines familiales modestes dans le but de célébrer sa supposée réussite. Son monologue excessif oscille entre l’aigreur courroucée et la juste critique à l’endroit d’un théâtre misérablement populiste, des acteurs paresseux et des spectateurs aussi snobs qu’ignares.

Toute la force de l’écriture repose sur le retournement constant du sérieux et du comique, de la critique acerbe et de la réflexion profonde. L’ironie intelligente est partout présente dans cette pièce, qui rappelle à bien des égards l’écriture de Thomas Bernhard. 

Est-il encore possible d’interpréter Richard III ? Cet acteur cherche à (dé)montrer tout le paradoxe de la réponse à cette question : on ne peut le faire mais on a le devoir de le faire. Ainsi, dans sa réflexion sur le théâtre en tant qu’art de l’ici-et-maintenant, Gabriel Calderón interroge avec justesse et humour les rapports de pouvoir liés à la création collective, la représentation d’une œuvre classique dont le sens premier nous est à jamais perdu ainsi que cette irrésolution proprement théâtrale entre la lettre atemporelle du texte et la présence actuelle du corps sur la scène.

En somme, comme l’affirme cet acteur résolument lucide, la seule chose que l’on puisse encore faire avec Shakespeare, c’est essayer de le traduire de sorte que la représentation serait alors cette tentative de traduction d’une œuvre dont on a perdu les clés de lecture.