Résumé
Dee, belle et brillante jeune femme de la bourgeoisie, professeur d'arts plastiques et psychologiquement perturbée depuis l'enfance, se trouve à un moment crucial de son existence où ses démons intérieurs, la "bête qui se cache derrière le mur", la tourmentent plus particulièrement. Au cours d'une de ses crises, elle a exigé de Mack, son mari, homme aimant et fiable, qu'il quitte la maison, mais elle passe par des phases contradictoires où elle réclame et rejette tour à tour sa présence, l'utilisant comme une véritable marionnette.
Mercy, la sœur de Dee, jeune femme au physique ingrat et dont le parcours professionnel (elle est vendeuse) n'est pas à la hauteur de la classe dont elle est issue, vient de quitter son conjoint et se rend chez sa sœur, qu'elle n'a pas vue depuis longtemps. Un passé douloureux, où l'on devine l'existence d'un inceste, refait surface pour elle tandis que Dee, enceinte du concierge de son immeuble, Toilane, qu'elle n'a rencontré qu'une seule fois, décide de ne pas avorter mais de donner le bébé à adopter.
Toilane l'ayant appris, décide, encouragé par sa mère Peggy Creese, de se battre pour obtenir son enfant. Cette dernière, femme de ménage ayant toute sa vie souffert du mépris des classes sociales élevées, fait de ce combat non seulement une affaire personnelle, mais aussi une affaire de lutte de classes.
Regard du traducteur
La société canadienne se veut égalitaire et non discriminatoire mais la réalité est loin d'être aussi idyllique et des antagonismes multiples et variés fissurent une surface moins lisse qu'on ne croit. Sexisme, racisme, nationalisme, inégalités sociales, dressent les femmes contre les hommes, les Noirs contre les Blancs, les immigrés contre les Canadiens de souche, les anglophones contre les francophones, les partisans du Québec indépendant contre ses opposants. Le théâtre canadien reflète ces conflits et les pièces de Judith Thompson ne font pas exception à la règle. Dans Je t'appartiens, les drames psychologiques éclatent sur fond d'affrontement social et aboutissent à un dénouement tragique tout à fait inattendu. L'humour cependant est présent tout au long de la pièce où comique de situation et comique de caractère donnent des scènes cocasses qui brisent les moments de tension.
Je t'appartiens est une pièce éminemment canadienne, à laquelle la psychologie des personnages donne cependant une dimension universelle.