Falaksher est un mineur isolé pakistanais demandeur d'asile quelque part en Italie - mais ce pourrait être ailleurs en Europe. Viviana est une avocate méfiante, idéaliste mais non exempte de préjugés, dont la mission est de l'accompagner dans ses démarches. L'un et l'autre se jaugent, s'apprivoisent, sous le regard parfois cynique et désabusé de Paolo, responsable du centre d'accueil où se trouve Falaksher. Paolo est aussi un homme marié et l'amant de Viviana. Viviana s'éloigne de Paolo et cherche à cerner l'identité de Falaksher, avec lequel elle tisse peu à peu un lien quasi filial, qui va mener ce dernier à lui raconter sa véritable histoire.
Je vis dans une jungle est la dernière étape à ce jour d'une longue interrogation de l'auteure sur la question migratoire. On y retrouve son goût pour les personnages ambigus, dont elle fouille l'humanité en même temps qu'elle amène le spectateur égaré sur le chemin toujours sinueux de l'empathie, un don du dialogue qui dans la confrontation cherche la reconnaissance de soi et de l'autre, une approche de l'Histoire racontée et vécue par des anonymes, qui donnent vie à l'actualité comme aux chronologies officielles.
Riche d'un vécu et d'une recherche documentaire précise mais surtout patiemment sédimentée, d'où le ton juste, aussitôt familier des dialogues, ce drame constitue une approche subtile et intime d'un phénomène majeur des deux dernières décennies. Loin des clichés médiatiques et de l'approche globalisante, il nous rappelle que la rencontre est avant tout une affaire d'individus pris dans un faisceau de circonstances très large, fait de cultures, de genres, de générations, mais aussi d'une foule de détails intimes, uniques autant qu'insaisissables.