1990, c'est un grand hôtel, le King-Kong Palace, où descendent des hôtes de marque : Tarzan et Jane, Mandrake. Seulement Tarzan vieilli, impuissant, est en fuite après avoir joué les dictateurs dans la brousse, et fait tuer son fils Boy dans une révolte populaire. Jane, ravaudée à la chirurgie esthétique, se réfugie dans la folie douce et couche avec Mandrake, l'éternel magicien, grotesquement veuf. Des fantômes hantent les couloirs de l'hôtel - celui de Boy, celui de Lothar - où des femmes de chambre - Parques et un administrateur - Charon à poigne font régner un ordre éternel et factice.
Regard du traducteur
Pièce hautement culturelle, véritable dialogue, à la De La Parra entre les mythes européens et américains — les Parques et les héros des « comics », les stars —, et hautement politique — l’appétit de pouvoir, le piétinement des valeurs fondamentales des sociétés en cours, dites occidentales, pour le conquérir et surtout le garder, et hautement humaine — la fragilité des mythes, la douleur du vieillissement, de la décadence, la pourriture envahissante, le dérisoire des vies. C’est donc, sous un dehors au départ futile et guilleret, une pièce mordante et cruelle, une impitoyable chute, calquée sur le modèle de Macbeth. Un Macbeth américain et contemporain, avec son fantôme et ses remords, ses taches de sang qui ne partent pas et le tout à l’avenant. On rit et l’on s’effraie. Les rois d’antan ont pris des masques sortis tout droits des vieux journaux où s’étalaient les bandes des comics, qui sont eux-mêmes repassés par la cure de rajeunissement du cinéma le plus récent. Le tout dans une atmosphère opératique, comme dirait l’auteur, presque un opéra. Un opéra désiroire, où tout part en lambeaux, malgré les cures de rajeunissement et la chirurgie esthétique. Et le bain de sang final.