Appelée au chevet d’Ashima, sa sœur mourante, Ishtaï, la grande prostituée de Babylone, est violée par son beau-frère, Abiratesh, sur la tombe encore fraîche de celle-ci. Neuf mois plus tard, revenue à Babylone, elle donne naissance à un fils, Itys, qu'elle rejette aussitôt et renvoie dans le désert avec son père. Sept ans plus tard, elle les fait revenir, afin d'accomplir sa vengeance : au cours d'un grand festin, elle donnera le fils à manger au père, le violeur.
Au sein de l’œuvre de Hanokh Levin, cette pièce s’inscrit dans la catégorie des tragédies sanglantes qui puisent leur inspiration dans les grands mythes de l’humanité. On retrouve ici des éléments tirés du Thyeste de Sénèque, mais comme à son habitude, au pivot du mythe - la lutte pour le trône entre deux frères - Levin substitue l’un de ses thèmes de prédilection : la guerre des sexes. L’intrigue, quant à elle, reprend partiellement la trame des aventures de Procné et Philomèle telles que racontées dans les Métamorphoses d’Ovide.
La grande prostituée de Babylone, symbole de la dépravation dans L'Apocalypse de Jean - figure devenue célèbre avec le temps mais dont le sens reste mystérieux - permet à Levin de déplacer l'action au Moyen-Orient et de l'ancrer dans un univers historique remontant à l’Ancien Testament. En d’autres termes, Babylone lui permet de transposer la Grèce dans l'Orient, en vue d'inventer, dans la langue et la culture hébraïques modernes, une tragédie contemporaine.
Aussi bien dans sa thématique que dans sa cruauté poussée à l’extrême, la pièce rejoint un genre cinématographique apparu dans les années 1970, Rape and Revenge (Viol et Vengeance). En ces temps de #Metoo, il est frappant de constater à quel point elle fait écho à une actualité brûlante.
Tissé d’une abondance de métaphores, puissantes et poétiques, le style élève le propos au-dessus de l’horreur représentée sur scène. Deux titans s'affrontent, victimes mais aussi bourreaux et, comme toujours, c’est l’enfant qui sera sacrifié.