Le récit est mené par le docteur Kerjentsev dont l’ami, Alexéi, a été assassiné. Kerjentsev, enfermé dans un asile, rédige, feuillet après feuillet, l’histoire de cet assassinat dont il est l’auteur, ou plutôt, dit-il, l’instrument car la véritable instigatrice en est… sa pensée. Une pensée secrétée par lui-même, une pensée qui, pour lui permettre de justifier son geste, lui offre masque après masque celui de l’amitié, de l’amour, de la fantaisie, de la pitié, de la bravade, de l’autosatisfaction, de la spéculation intellectuelle et d’autres encore. Masques qu’il arrachera les uns après les autres dans une frénésie de négation et de divulgation qui évoque les confessions dostoievskiennes. Mais sans rédemption. A la fin, il succombera dans le délire absolu.
Pourquoi avoir adapté cette nouvelle et sous cette forme ? Parce que la concentration de cette pensée prisonnière d’elle-même, enserrée dans ses propres spires, ne peut être exprimée au moyen de plusieurs personnages. L’effet obsessionnel de la tension théâtrale extrême, s’il portait plusieurs reflets, ne serait pas atteint.
Caractéristiques dominantes du texte :
- la force du sujet, l’opposition pathétique de voir la fonction la plus noble de l’esprit humain, la pensée, en devenir
- la force de la construction dramatique. Parti de la logique des fous dont, on le sait, l’apparence est souvent si trompeuse qu’on lui attache crédit, le récit finira par atteindre un paroxysme de révoltes et de volte-faces qui sont celles de la grande démence. Cette progression, véritable crescendo symphonique, est traitée avec une maestria qui émerveille.
- la très belle composition offerte au comédien qui osera affronter seul tant de détresse, traversée cependant de grandes plages de chaleur, d’aspiration à la beauté, d’un besoin de compassion inavoué et, sans doute, sans bornes.