Vittoria, une femme simple et dévote, vit dans un petit village de Calabre et depuis qu’elle est devenue une jeune fille, les regards des hommes du pays lui sont tombés dessus. Selon la volonté de ses parents, elle est mariée, « vendue », à treize ans à une espèce de monstre, deux fois plus âgé qu’elle. A vingt-huit ans, elle a déjà sept enfants. Harassée par ces grossesses à répétition, par ces années qui durent neuf mois et pas douze, à sa huitième grossesse elle décide de recourir à l’avortement clandestin. A travers sa voix, Vittoria fait revivre toute une communauté d’hommes et de femmes. Elle raconte un morceau de sa vie, les angoisses d’être femme dans ce Sud, la guerre qui gronde avec les maris, la peur des grossesses, les arrangements, les visites chez la faiseuse d’ange et jusqu’au calvaire de sa petite-fille qu’elle accompagne à Milan pour un avortement, qui, bien que licite celui-là, lui rappelle par certains aspects le sien.
Ce texte, vainqueur du prix UBU (meilleur nouveau texte italien) en 2010, aborde la délicate thématique de l'avortement. Bien qu'ancré dans un contexte précis - celui de la Calabre profonde d’il y a quelques décennies - le récit de Vittoria est très actuel comme le spectateur pourra s'en rendre compte à la fin de la pièce. Dans une société dominée par les hommes, qui provoquent les événements mais fuient les responsabilités, la solidarité féminine et le courage sont les seules armes de ces jeunes femmes qui semblent n'avoir aucune prise sur leur destin. Quand elles doivent "s'arranger" toutes seules, leurs prières ne leur étant d’aucun secours, elles bravent tous les dangers pour s'en sortir. La légalisation de l'avortement, bien qu'encore aujourd'hui discutée, a mis fin à des pratiques illégales qui, réalisées dans des conditions désastreuses, pouvaient conduire à des séquelles irrémédiables, voire à la mort. Vittoria nous raconte son histoire d'une manière bouleversante mais aussi avec sarcasme et humour. Avec ses mots de fille de la campagne sans instruction, elle raconte ce calvaire qui fut exclusivement celui des femmes et qui continue de l'être, non plus à cause des risques de l'opération, mais du fait des préjugés et de l’hostilité qui, eux, perdurent.