Le Chat vert

de Elise Wilk

Traduit du roumain par Alexandra Lazarescou

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Roumanie
  • Titre original : Pisica verde
  • Date d'écriture : 2012
  • Date de traduction : 2018

La pièce

  • Genre : jeune public
  • Nombre d'actes et de scènes : 7 scènes
  • Décors : Non précisé. Toutefois, en ce qui concerne la scénographie des indices figurent dans la didascalie suivante : « L'action se passe de nos jours, à la périphérie d'une ville de province. Beaucoup, beaucoup d’immeubles de quatre étages avec de la peinture écaillée, quelques magasins, un parc. Au-dessus de la ville s’élève, tel un fantôme, les ruines de l'ancienne usine chimique. Tard dans la nuit, quand le noir se fait derrière toutes les fenêtres, la seule lumière qui persiste est celle d’un rayon laser vert de boîte de nuit qui se promène lentement sur la ville. »
  • Nombre de personnages :
    • 6 au total
    • 3 homme(s)
    • 3 femme(s)
    • Les personnages de cette pièce ont entre 16 et 19 ans.
  • Durée approximative : 60 mn
  • Création :
    • Période : 15 mars 2012
    • Lieu : Théâtre 74, Târgu-Mureş, Roumanie
  • Domaine : protégé

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Au cœur d’une petite ville ouvrière où le taux de chômage fait rage et la misère sociale est prégnante, six adolescents tentent d’échapper au tragique quotidien, en cherchant sans relâche un espace où exister.

Les parents sont absents et l’avenir incertain.

Pour tromper l’ennui, oublier leur mal être et fuir ce monde perverti où ils ne sont les fils de personne, ils se réfugient dans des mondes imaginaires. Les paradis artificiels sont faits de cocktails de médicaments provenant de la pharmacie maternelle, d’alcool, de superstitions et de chats verts. Le titre étant une métaphore de la quête d’illusions immédiates.

L’unique boîte de nuit de la ville, située à côté d’une ancienne usine chimique laissée à l’abandon, est leur point de ralliement. Les six protagonistes nous racontent les nuits intenses passées au Club Président, leurs amours, leurs jeux, les défis suicidaires qu’ils se fixent pour se sentir exister.

Bianca, par une loi du hasard, porte un t-shirt avec un chat vert, un chat qu'un certain Dani recherche. Le chat vert, qui donne son titre à la pièce, est le refuge imaginaire d’un adolescent désespéré qui porte à bout de bras son père alcoolique. Au départ, le dessin imprimé sur le t-shirt de Bianca était blanc, mais sa mère inattentive l’a lavé avec des collants verts et il en a ainsi emprunté la couleur. Cet accident domestique trivial a dès lors agi comme effet papillon, déclenchant une série d'événements tragiques.

En effet, le chat vert sort tout droit de l’imagination de Dani, un adolescent qui vit un drame familial en entretenant son père alcoolique. L'absence de communication, la solitude, la dépression le poussent à trouver refuge dans son imagination. On sait que les chats absorbent l'énergie négative, qu’ils apaisent, mais Dani a surtout besoin de guérison. Le chat vert est un palliatif contre son chagrin et sa déception.

Boogie, quant à lui, se drogue en dérobant les médicaments de sa mère.

Bianca est une adolescente de 16 ans, en quête d’aventures. Naïve, innocente et rebelle, elle tente de se remettre de son chagrin d’amour.

Flori est la sœur de Bianca. Comme des pôles qui n’ont de cesse de s’aimanter et de se repousser, elles se disputent sans arrêt au sujet des vêtements, des garçons, mais leur relation est très forte. Avec une mère davantage préoccupée par ses amants et pas de père, la famille est réduite à une seule personne, la sœur.

Robert est le garçon qui brise les cœurs, conquérant rebelle du Club Président.

Roxana est l’amie anticonformisme de Bianca. Elevée par sa grand-mère, elle n’a pas de rêves d’avenir. Elle a mûri trop vite, en l’absence de ses parents partis travailler en Espagne. Intelligente, bonne élève, les adultes lui octroient leur confiance pleine et entière, sans se douter qu’elle gagnerait à être davantage surveillée.

Entre amour naissant, obsession érotique, pensée magique, quête de soi et de liberté, ces six adolescents, cherchent avec entêtement une assise sensitive où asseoir leur existence. Mais le jeu tourne au drame et Bianca meurt.

Regard du traducteur

Le Chat vert, publié en 2012 en Roumanie, puis à l'étranger, est le grand texte d’Elise Wilk, l’une des voix les plus emblématiques de la dramaturgie roumaine contemporaine, dont le succès local et international se distingue notamment par ses pièces jeune public.

Déjà traduite en sept langues, Prix de l'Ambassade d'Irlande pour le meilleur texte de la saison 2012-2013, cette pièce se joue sans relâche dans les théâtres nationaux roumains et à l'étranger : au célèbre Junges Schauspielhaus de Zürich, mais aussi en Allemagne, en Italie, en Russie et en Grèce. Elise Wilk a même reçu la proposition de voir sa pièce adaptée au cinéma. 

Construite sous la forme d’un documentaire fictif (« mockumentary »), Le Chat vert est une pièce mosaïque, un éveil du printemps contemporain, qui raconte l’histoire de six adolescents de province, âgés de 16 à 19 ans, issus de milieux sociaux différents.

Le pouvoir de l’imagination en est le motif central.

À travers une chronologie déstructurée, où monologues introspectifs et dialogues s’enchevêtrent dans une esthétique de la discontinuité, les protagonistes racontent les mondes imaginaires qu'ils se créent, leur adolescence, leurs amours, leur solitude et ce fameux samedi soir qui tourne au drame.

Leur existence est montrée de manière séquentielle, kaléidoscopique, fragmentaire.

Avec une maîtrise d’orfèvre, Elise Wilk soude le social au poétique.

Ce qui frappe dans Le Chat vert c’est l’absence des parents. Les adolescents sont livrés à eux-mêmes, soit parce qu’ils font partie de familles dysfonctionnelles, soit parce que leurs parents sont partis travailler à l’étranger, soit parce qu’ils ont divorcé, ou qu’ils sont morts, ou qu’ils se désintéressent de leurs enfants et ne cherchent pas à les comprendre ou à connaître leurs problèmes. Le texte révèle, de manière à la fois poétique et crue, la solitude des jeunes, masquée par l’insolence de l’âge. Un amour non partagé, une obsession, une soirée en boîte qui finit mal, quelques mensonges en apparence innocents et tout bascule. Faute de parents pour les soutenir, les enfants s’engouffrent dans des mondes imaginaires, des obsessions, des superstitions, jettent des « sorts », comme une alternative à la réalité désabusée qu’ils vivent. La « magie » de l’imaginaire est ici entretenue par des éléments concrets : des médicaments, des drogues, de l’alcool, des dérapages psychiques. Un cocktail qui peut très vite devenir dangereux, et Le Chat vert surprend parfaitement le moment de la déflagration.

Théâtre des voix, la pièce est remarquable aussi bien dans sa forme que dans son propos.

Ce drame rhapsodique met en abîme des personnages à l’étoffe tragique, dont la destinée est ponctuée par une structure en flash-back et prolepses.

Une langue plastique, musicale et syncopée donne une singulière densité à un précipité de corps : corps brûlant de désir, corps meurtris.

Ce texte exprime la tentative désespérée de se sentir vivant, d’avoir prise sur sa vie, sur un réel qui échappe. Tous sont dans cet à côté de la vie, ils tentent d’inventer des mondes, de les nommer pour leur donner chair. Sans doute est-ce en cela que réside le pouvoir de l’imagination : nous sauver d’un monde où « tout est gris ».

Je crois fermement au style novateur, à la plume toute en sensibilité d’Elise Wilk, à la force du Chat vert ; c’est pourquoi, il m’a semblé urgent et nécessaire de faire découvrir ce texte au public français.