"Le Complexe Roumanie : un match où les joueurs sont anesthésiés par le virus contagieux de la réduction au silence. Un vol d’identités. Intimes et publiques. Des enfants perçoivent innocemment un régime criminel. Un régime qui tue en silence leurs parents considérés toxiques".
Une lutte pour la survie, survie dont on a ôté les tubes à oxygène appropriés.
Un rêve anéanti qui transforme une cuisine en laverie.
Le Complexe Roumanie : précipité de blocages : complexes, déresponsabilisation, absence de réaction, cohabitation avec les compromis, clichés. Précipité de slogans communistes dont les « hymnologues » de l’époque ont oublié qu’ils les ont jadis proférés. Ou s’ils ne les ont pas oubliés, ils manipulent habilement leur mémoire. L’histoire peut produire Alzheimer. La plupart du temps, elle l’auto-provoque. » (Mihaela Michailov) ;
Le Complexe Roumanie est une pièce sur la tragédie du communisme, traversant deux décennies : celle du régime totalitaire communiste de Ceausescu et celle de la période postcommuniste.
Le texte exhume les fantômes du passé roumain : les Conducators Elena et Nicolae Ceausescu, le Parti Communiste qui s’occupait intensivement de l’endoctrinement de la population, et cela dès l’âge le plus tendre, les chants patriotiques et révolutionnaires, le culte de la personnalité, les files d’attente pour lesquelles on se préparait dès trois heures du matin, la politique de répression et de terreur exercée sur les citoyens roumains par les agents de la Securitate.
A travers l’histoire de Georgica et Mircica, deux élèves pionniers, et de leurs familles, la pièce brosse le portrait du peuple roumain, accablé de privations, muselé et supportant dans une profonde résignation un pouvoir dictatorial dont les interventions du chœur ne cesse de rappeler la grandiloquence.
Elle retrace d’abord l’enfance de Georgica et celle de son meilleur ami, Mircica. Leurs jeux, leurs rêves sont étouffés par une éducation basée sur la peur, les mensonges, les stéréotypes, et par un quotidien de pénurie alarmante.
L’intimidation, les interrogatoires au siège de la Securitate… rythment la vie de leurs parents. Tout est interdit : faire de l’humour, rêver, parler, vivre. Peu de personnages survivent au régime, le père de Georgica est liquidé pour avoir plaisanté sur la syntaxe de la Camarade, son meilleur ami est emmené en Maison de redressement pour avoir dessiné le Camarade tout nu, et meurt blessé par balle lors de la Révolution.
Après 89, l’euphorie collective, le rêve d’une société nouvelle libre et démocratique sont vite estompés ; l’absurdité, la corruption, le népotisme, l’hypocrisie règnent. Un nouvel enfer se dessine. Les anciens agents de la Securitate ont retourné leurs vestes, ils sont devenus leaders d’opinion. Georgica veut immigrer au Canada. Loin, le désarroi est tout aussi prégnant, les conséquences identitaires sont lourdes à porter, Georgica doit faire face à l’impossibilité d’assumer son histoire, d’échapper à la peur et à la Roumanie de Ceausescu profondément enracinée en lui.
Ayant passé mon enfance sous le régime totalitaire communiste de Ceausescu, il m’a paru nécessaire et urgent de traduire cette pièce en français, car elle pose avec justesse, la question des conséquences identitaires du déclin du modèle communiste pour notre Europe contemporaine, tout en montrant comment la Révolution de 89 a dévoré ses enfants.