5 musiciens : un trompettiste, un contrebassiste, un clarinettiste, un batteur et une claveciniste- jamais « nommés » autrement- répètent une Ode funèbre sous la direction du chef d’orchestre ; soudain, n’ayant plus de notes sur leur partition, ils s’arrêtent. D’abord mezzo voce, puis plus haut, ils s’interrogent pour savoir si le chef les entend jouer ou pas : en effet, lui qui devrait être « tout ouïe », semble battre la mesure mécaniquement, ou comme dans un rêve intérieur. Naît alors un débat, auquel finira par se joindre le chef, qui ressemble étrangement à ces querelles de famille où chacun exhume, de vieux secrets, des rancoeurs mal digérées, des soupçons, des jalousies, des complexes, des fantasmes… La seule femme de la pièce, la claveciniste, concentre dans sa personne pas mal d’éléments mystérieux, dont sa relation mal définie au chef lui-même. Cette sorte de cacophonie dégénère en récrimination de type quasi syndical à l’égard du chef. Ce dernier décide, pour échapper à une situation où son autorité est mise à mal, de substituer à ses interprètes un « robot », qui mémorise, récite, joue, sait tout, de façon automatique. Les musiciens vont-ils être réduits à néant par le « robot-orchestre » dont ils sentent le pouvoir menaçant ? Montée en tension spectaculaire, union retrouvée devant le danger, mais surtout, astuce et malice de celle qui donne enfin le la. C’est par sa perception de la faille chez le robot tout puissant, que la claveciniste lui clôt le bec, leur sauvant la mise à tous : savoureuse chute que la logorrhée auto-paralysante de la technologie triomphante.
Il y a quelque chose d’étonnamment prophétique dans cette vision du « robot », sorte de Google de la musique, de cerveau électronique, sachant que Renzo Rosso a écrit cette pièce en 1975. Les media au service des puissants, habiles dans le bourrage de crâne, toutes ces « boîtes à savoir » et à informer, servent-elles à nous clouer le bec, à nous faire rentrer dans le rang ?