Un homme marche dans la rue. Il se fait agresser, reçoit un coup sur le crâne. Il tombe. Mais, avant d’atteindre le sol, pendant sa chute, son corps explose, il se multiplie par trois. Son destin se ramifie. L’espace d’un instant, il vit trois vies. Ils sont désormais plusieurs à tomber, trois hommes dans une même chute. Jeu de miroirs, de vies possibles, de voix qui se croisent, de corps qui meurent et qui renaissent dans d’autres corps.
L’écriture théâtrale de Santiago Loza se présente comme une expérience sensorielle et poétique. Dans Le Cœur du monde, la dramaturgie est tissée par des voix qui se souviennent de leurs vies, de leurs amours, de leurs échecs, de leurs petites obsessions et de leurs grandes désillusions. Chez Santiago Loza l’infiniment petit renvoie toujours à l'infiniment grand, à ce qui ne peut totalement se nommer. Et cette co-présence du banal et de l’extraordinaire crée des situations comiques remplies de tendresse au même moment où les voix, qui ne semblent pouvoir s’arrêter de parler, témoignent d’une grande solitude. Dans Le Cœur du monde, Santiago Loza déconstruit la chronologie ; le temps ne semble plus avoir de consistance, il faut désormais écouter autrement. Et ce qui s’ouvre est un moment suspendu, entre la vie et la mort, d’un extrême à l’autre, celui du cœur du monde.
Extrait de la pièce :
"Nous sommes la chute.
Je te vois tomber.
Tu tombes doucement, au ralenti.
Avant d’arriver au sol, tu exploses.
Tu te brises en mille morceaux.
Il y a des morceaux de toi partout.
J’ai compté les morceaux.
Je les ai rassemblés.
Ils sont là.
Nous sommes là.
Nous sommes la chute et ses morceaux.
Nous trois.
Avant et pendant.
Et aussi après."