Un couple fait construire une nouvelle maison au bord de la mer. Un étranger se présente dans l’appartement qu’ils occupent en attendant la fin des travaux. Il s’installe sur le canapé, qu’il transporte dans le couloir, et ne fait pas mine de vouloir partir. Qui est-il ? Que fait-il là ? Nous ne le saurons jamais. Mais il ne veut manifestement pas qu’on découvre sa présence.
Il met un point d’honneur à se montrer poli, ne veut surtout pas déranger ses hôtes, propose même de leur prêter de l’argent pour faire avancer les travaux de leur maison, mais sa façon de s’incruster finit par peser sur leur vie. Et quand la nouvelle maison est enfin terminée, il y emménage avec eux.
Noël approche, et la femme s’y prépare activement. Mais tout se dérègle : l’oie met des éternités à cuire, la vierge Marie et l’enfant Jésus s’échappent de la boîte de décorations de Noël et une menace diffuse plane à l’extérieur. Guerre ou catastrophe écologique ? On n’en saura rien. Quand on peut enfin se mettre à table, c’est le drame : un homme se dirige vers la maison, l’Étranger le tue et le mari est pris d’une crise de folie.
Au premier abord, on croit avoir affaire à une pièce de facture réaliste ou à une sorte de huis clos sartrien. Mais petit à petit l’auteur parvient à installer une angoisse sourde et à faire basculer son texte dans un onirisme aux teintes morbides. L’identité des personnages devient de plus en plus instable : par moments, le mari et l’étranger semblent presque interchangeables, au point qu’on se demande s’il ne s’agit pas d’un seul et même personnage. Dans la dernière partie, l’étranger finit d’ailleurs par prendre la place du mari. D’une composition rigoureuse – l’auteur joue notamment avec les répliques et les situations qui se font écho – la pièce se prête néanmoins à plusieurs lectures possibles, qu’une mise en scène pourrait s’employer à faire coexister.