Le Long Chemin du retour

de Daniel Keene

Traduit de l'anglais par Séverine Magois

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Australie
  • Titre original : The Long Way Home
  • Date d'écriture : 2014
  • Date de traduction : 2023

La pièce

  • Genre : fresque
  • Nombre d'actes et de scènes : 2 actes – 30 scènes
  • Décors : multiple
  • Nombre de personnages :
    • 22 au total
    • 17 homme(s)
    • 5 femme(s)
    • 1 Chœur (quatre soldats) + 1 hallucination (1 Afghan) : rôles muets La pièce comporte aussi de brefs extraits vidéo, où des soldat.es (autres que les personnages) témoignent, face caméra, de leur expérience.
  • Durée approximative : 140 mn
  • Création :
    • Période : février 2014
    • Lieu : Sydney Theatre Company
  • Domaine : protégé – texte représenté par Séverine Magois

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

La pièce se présente comme un vaste kaléidoscope de courtes scènes où s’entremêlent les temporalités. Certaines se déroulent sur le terrain des opérations (patrouilles, factions), d’autres en amont (enfance, recrutement), et la plupart en aval, ces dernières s’attachant à décrire la difficulté, voire l’impossibilité, pour ces soldate.es de se réadapter à la vie civile.

L’un des « arcs narratifs » de la pièce met en scène deux couples : Tom et Beth, Nick et Anna (les seuls personnages pris en charge, à la création, par des acteurs professionnels). Les deux hommes sont rentrés d’Afghanistan profondément meurtris, en état de stress post-traumatique. Tom est hanté par ses fantômes (il ne cesse d’avoir des hallucinations, incarnées notamment par un Chœur de quatre soldats qu’il est le seul à voir) et tente de leur échapper en s’activant sans cesse dans la maison, à toute heure du jour et de la nuit ; Nick est comme absent à lui-même et de plus en plus agressif avec Anna. Les deux femmes, démunies, s’efforcent de faire face, chacune à sa manière – patience et abnégation pour l’une, révolte pour l’autre.

Un autre fil conducteur de la pièce est le personnage de Zac, sur son lit d’hôpital et au chevet duquel se succèdent un médecin militaire, une autre patiente, un autre soldat… C’est lui qui sur le terrain a été le plus grièvement blessé – après un long coma, il peut à peine bouger, et ne prononce plus que des bribes de phrases incohérentes que personne ne comprend, mais dont la teneur nous sera révélée à la toute fin, quand il se lèvera pour nous dire qu’il compte bien, lui aussi, emprunter le long chemin de retour.

La troisième « histoire » suit quant à elle le destin de quatre enfants d’une douzaine d’années, qui jouent à la guerre et se font la promesse de devenir un jour soldats… Eux aussi partiront en Afghanistan, eux aussi devront à leur retour tenter de renouer avec la vie ordinaire, un cheminement plus difficile pour certains que pour d’autres.

Regard du traducteur

Après avoir créé au Royaume-Uni un projet similaire avec l’auteur gallois Owen Sheers (en 2011-12), le metteur en scène anglais Stephen Rayne a souhaité, deux ans plus tard, réitérer l’expérience en Australie, en y associant cette fois le dramaturge Daniel Keene. Il s’agissait pour ce dernier d’écrire une pièce qui rende compte des expériences vécues pas les soldat.es des forces armées australiennes déployées en Afghanistan, en Irak, au Timor et en Somalie. Et des répercussions que leur présence dans ces zones de conflit avait eues, sur eux et sur leur entourage, la plupart étant rentrés en Australie avec des blessures durables, tant physiques que psychologiques.

Pour ce faire, Keene a passé cinq semaines avec des soldat.es de retour de guerre. Il a ainsi recueilli leurs témoignages, assisté à des exercices d’improvisation, puis les a écoutés lire et commenter les scènes qu’il écrivait au fur et à mesure… La quinzaine de soldat.es participant à ce projet devant ensuite interpréter la pièce, il n’était pas envisageable pour Keene de leur faire rejouer ce qu’ils.elles avaient vécu mais d’écrire pour eux.elles des scènes inspirées de leurs récits en créant une mise à distance nécessaire. Pas question donc de créer du « théâtre verbatim », mais plutôt de chercher à atteindre ce but : « Ils se joueront eux-mêmes, réinventés. Ils mettront leur réalité en contact avec celle du public. Le théâtre est le lieu idéal pour ce genre de rencontre, un lieu où la vérité et la fiction peuvent coexister, où il est possible d’imaginer la réalité. »

Il ne sera évidemment pas possible de reproduire l’expérience unique qu’a été la création de cette pièce en Australie – pièce que Keene décrit comme une œuvre de collaboration avec les soldat.es ayant pris part au projet –, il n’en demeure pas moins que par la distance qu’il a su instaurer, en dépassant l’anecdote pour donner un sens plus large à leurs histoires, elle touche à l’universel… et on ne peut que s’attacher au destin de ces hommes et de ces femmes, tant l’auteur excelle, une fois encore, à nous dépeindre l’humanité dans ce qu’elle a de plus fragile. On retrouve dans ce texte toute la force de sa compassion, de sa colère aussi face à l’absurdité de la guerre et aux sacrifices demandés à des gens aussi jeunes et dont la vie sera à jamais brisée.

Malgré l’abondance des scènes (trente) et des personnages (une vingtaine), la pièce – écrite dans une langue tour à tour triviale et poétique, et toujours éminemment théâtrale – est structurée de telle manière qu’on passe avec fluidité d’une situation à l’autre, et que cette profusion n’empêche en rien de suivre par strates successives chacun des récits, dont les motifs s’entrecroisent et se répondent.

Outre le contrepoint comique apporté à deux reprises par les conférences assez jubilatoires d’un lieutenant-colonel sur la culture militaire, et malgré la noirceur du propos et des situations, certains des dialogues sont aussi très drôles, Keene ayant constaté au cours des ateliers combien les soldat.es avaient conservé un sens de l’humour à toute épreuve, auquel il s’agissait aussi de rendre hommage.