Une famille grecque ordinaire, dans les années 1970-1980. Le père, la mère, le fils unique. Le père , cloué dans un fauteuil d’infirme, laissé dans son coin comme une sorte d’objet encombrant, assiste au déroulement des activités quotidiennes de sa femme et de son fils, et les commente de son fauteuil, jouant en quelque sorte le rôle du chœur, devant l’affrontement auquel il assiste, impuissant. Car la Mère – majuscule et dévorante – domine et phagocyte le jeune homme qui, malgré quelques efforts maladroits, ne parviendra pas à déployer ses ailes. Trop aimante – ou pas assez –, jouant avec une diabolique virtuosité du chantage sentimental, elle dirige avec succès les actes et les sentiments de son fils unique. Les pauvres tentatives qu’il fait pour lui échapper avortent lamentablement et lorsqu’il se marie, avec la bénédiction maternelle, avec une jeune voisine, c’est pour la rendre mère à son tour. Malgré l’intervention désespérée du père infirme, qui lui conseille de fuir avant qu’il ne soit trop tard, et d’avoir le courage qu’il n’a pas eu, le fils, pris dans la toile tendue par les deux femmes, qui font preuve d’une étonnante solidarité, s’y englue pour devenir le prototype masculin qu’elles souhaitent, le géniteur, celui qui fait bouillir la marmite, et qui s’abrutit devant la télévision, en soutenant « virilement » une équipe de football… Cela finit par être le seul moyen d’échapper à l’emprise matriarcale.
Pièce très forte, d’un humour noir violent, dont on ne sort pas indemne. Contrairement à ce qu’ont pensé la plupart des critiques grecs à l’époque de sa création, ce n’est pas seulement la « mère grecque » ou méditerranéenne qui est visée dans ce tableau familial. Il y a une sorte d’universalité qui nous touche, quelle que soit notre culture. L’affrontement des protagonistes, non dépourvu d’amour et désespérément volontariste, s’inscrit dans notre héritage commun judéo-chrétien, avec ses conventions, ses tabous, ses interdits.
Le texte, rapide, violent, dans un crescendo habilement ménagé par petites touches précises, est d’une grande efficacité dramatique. Les didascalies, nombreuses et très précises, soutiennent le texte et l’explicitent avec force.