A Naples (qui appartient au royaume d’Aragon), Serafina aime secrètement Alvaro, qui part pour l’Espagne, envoyé par son père. Son navire fait naufrage, Alvaro disparaît. Serafina est mariée au noble catalan Juan Roca, peintre. Ils vont quitter Naples quand Alvaro réapparaît, de retour sur les galères du prince d’Ursino. Il trouve Sérafina endormie ; elle s’éveille, elle est mariée ! A Barcelone, c’est carnaval, Serafina, don Juan et leurs amis se déguisent. Il y a un incendie, Alvaro profite de la confusion pour enlever Serafina, qu’il emmène en Italie. En compagnie de son valet Juanete, don Juan erre autour de Naples. Pour sa galerie, le prince d’Ursino veut faire faire le portrait d’une femme qu’il a aperçue. Don Juan se cache pour la voir, c’est sa femme. Il comprend mal la scène qu’il voit et tue ceux qu’il prend pour deux amants. Les pères des deux jeunes gens comprennent le point de vue de don Juan (l’honneur !) et le laissent partir libre.
Les deux personnages féminins, Porcia et Serafina, sont remarquables dans leur opposition, lunaire et solaire. Serafina est un des plus beaux personnages qui soient. Toute sa parole est élevée. Ses réactions sont empreintes de cœur, de grandeur, d’intelligence. Sa loyauté est à toute épreuve, et si l’amour qui l’habite la trouble, elle en perçoit les limites. L’action est des plus étonnantes, avec des coups de théâtre, une alternance de moments joyeux, surprenants, dramatiques. L’histoire « tient le coup » et est rondement menée, rien n’est gratuit, tout se tient, ce qui est un exploit. Les personnages sont épatants, les valets efficaces. Les lieux sont très beaux, on voyage, il y a comme un vent d’air frais dans cette pièce écrite par un vieil homme, un savoir-faire des ressorts du théâtre, une dramaturgie à toute épreuve, avec des coups de canons, d’arquebuse, un incendie, un carnaval, une voiture, un mélange de sophistication et de populaire. Et le plus subtil, à mon goût, et le plus beau, toute une réflexion sur l’âge, d’abord, sur l’honneur ; mais surtout, et c’est admirablement théâtralisé, sur la réalité et l’apparence, le regard (matérialisé par le regard du peintre, nœud de l’histoire), la réflexion de toute la philosophie de l’époque sur la « camera obscura » et la saisie du réel. C’est admirable !