Le corps d’un adolescent apparaît mort dans un champ de fourrage près d’un village catalan qui, par sa beauté sauvage, s’apparente à un lieu édénique. De quoi cette mort violente est-elle le signe ? Que se cache derrière ce calme et cette sérénité apparents ? Tel un kaléidoscope, la pièce donne la parole aux habitants de ce village qui, d’une manière ou d’une autre, ont été en rapport avec cet adolescent au destin tragique. Interprétée par un.e seul.e comédien.ne, cette suite de monologues nous plonge dans les méandres obscurs d’un univers où règnent la répression du désir, la culpabilité et l’instinct de mort. Josep Maria Miró livre ainsi une réflexion sensible et passionnée sur la fragilité de la beauté aux prises avec une violence qui sans cesse la menace.
En 2022, l’auteur a reçu pour cette pièce le prix national de littérature dramatique en Espagne.
Le plus beau corps qu’on n’aura jamais trouvé en ces lieux (2021) inaugure un nouveau cycle dans l’œuvre de Josep Maria Miró. Sur le plan formel, le monologue a envahi l’écriture pour donner accès à la vie morale des personnages, là où se joue le conflit intime entre l’expression du désir et les lois sociales qui le condamnent. La pièce s’ouvre sur l’image d’un sacrifice : le corps émasculé d’un adolescent dont la beauté s’avère dangereuse car elle perturbe l’ordre social. Tel le Visiteur dans le film Théorème de Pasolini, le corps de cet adolescent devient le révélateur d’une société inauthentique qui, sous des apparences moralistes, tolère les abus sur les corps vulnérables. La succession des monologues et sa nature éminemment polyphonique rappelle également l’écriture de William Faulkner : l’intrigue n’est simple qu’en apparence, les péripéties ne sont là que pour révéler les secrets et les mensonges de chacun ainsi que l’hypocrisie d’un monde, où l’ordre moral n’est qu’un discours de surface, la justification d’une violence socialement acceptable à l’encontre de ceux qui prétendent vivre en accord avec leur désir sans porter atteinte à personne.