De cette pièce qui se dénie comme telle mais a la forme d’une enquête, le sous-titre donne une définition aussi sobre qu’ambitieuse, aussi tranchée qu’exhaustive : « un dramaturge cherche à comprendre la crise financière ». Quintessence du théâtre documentaire, c'est cette recherche, avant même son résultat, que l'auteur s'emploie à exposer sous nos yeux et sur la scène : ainsi, brique après brique et dialogue après dialogue, la pièce se voit construite et la crise déconstruite, les rouages de l'une comme de l'autre exhibées au public. Personnage central de la pièce, mû par la soif de comprendre et d'expliquer, l'auteur interroge, avec une naïveté toute cartésienne et une ironie toute socratique, une multitude de célébrités et d'experts du monde financier : se cotoient ainsi Georges Soros, « l'homme qui a fait sauter la banque d'Angleterre », Alan Greenspan, ex-directeur de la Réserve Fédérale Américaine, Masa Serdeveric, employée licenciée de Lehman Brothers et égérie de la crise, ainsi qu'une multitude de traders, journalistes, banquiers et autres PDG. Au total, 25 personnages assaillis de pourquoi et comment, qui apportent leur témoignage, matériau brut, comme on apporte une pierre à l'édifice. C'est ainsi qu'au fil des neuf scènes, les ombres au tableau de la crise se trouvent progressivement levées : titrisation, subprimes, bulle spéculative, l'auteur devenant un interprète du présent, un herméneute de la catastrophe financière, un passeur de paroles entre les personnages dont les langues se délient. Décrypter, démystifier, démonter – moins pour strictement dénoncer que pour complexement comprendre : tel est le voyage au cœur du sens et de notre présent auquel nous invite Le Pouvoir de dire oui.