Le songe une vie

de Franz Grillparzer

Traduit de l'allemand par Jean Launay

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Autriche
  • Titre original : Der Traum ein Leben
  • Date d'écriture : 1834
  • Date de traduction : 1997

La pièce

  • Genre : conte dramatique
  • Nombre d'actes et de scènes : 4 actes
  • Décors : féériques... en trois lieux différents
  • Nombre de personnages :
    • 10 au total
    • 7 homme(s)
    • 3 femme(s)
  • Durée approximative : 180 mn
  • Création :
    • Période : 1834
    • Lieu : Burgtheater, Vienne

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Un jeune paysan de la province de Samarcande, las d'une vie trop tranquille entre son oncle et sa cousine, décide d'aller tenter sa chance à la Cour du Roi, accompagné de son esclave. La nuit précédant son départ, il fait un rêve, qui occupe les trois actes suivants. Ce rêve raconte les péripéties tragi-comiques de la métamorphose d'un brave garçon en lâche criminel. Au réveil le jeune homme retrouve avec soulagement son foyer idyllique, qu'il ne quittera plus.

Regard du traducteur

Le rêve est celui de Rustan, jeune paysan d'une improbable province du côté de Samarcande, à une époque que ce nom seul peut suffire à situer, disons médiévale.
Rustan a pour compagnon Zanga, un esclave maure dont les traits méphistophéliques s'accusent à mesure que le rêve devient cauchemar. Le renversement progressif des positions d'autorité, jusqu'à la libération de l'esclave et le retour du maître dans la cellule familiale, est une des belles choses de la pièce. Mais il y a d'autres axes de lecture.
Ainsi, le retour des personnages de la réalité dans des personnage rêvés qui en sont comme les dignes pervertis : l'oncle et la cousine dont Rustan partage la chaumière, se retrouvent dans le rêve, sous les traits d'un roi et d'une princesse : Rustan va devenir l'assassin du premier et l'ennemi de la seconde après en avoir été le fiancé.
Autre thème : la malédiction qui pèse sur le mensonge, le titre même d'une autre pièce de Grillparzer écrite trois ans plus tard (1837) Weh dem, der lügt (Malheur à celui qui ment). Le mensonge est ici commis par le rêveur dès le début du songe, comme une sorte de péché originel, d'où le malheur, non sans comique parfois, va sortir, en cascades d'événements appelant de nouveaux crimes.
Au réveil, précédé de la même cérémonie magique que l'entrée dans le rêve, c'est l'aube radieuse, qui fait pendant à la nuit tombante de la scène d'exposition, celle où Rustan s'arrache à la quiétude (peut-être pas si quiète) de la vie familiale entre son oncle (pas vraiment un père) et sa cousine (pas vraiment sœur, pas vraiment femme) pour offrir ses services au roi et, en somme, "courir le monde" et "faire sa vie". Le cauchemar était une mise en garde, salvatrice, semble-t-il : à mesure que le soleil monte dans le ciel, Rustan se range à l'essentielle sagesse qu'enseigne la terre, il épouse sa cousine, et le noir Zanga s'en va vers d'autres besognes obscures.
Le passage où l'oncle se fait un peu tirer l'oreille pour donner son consentement a été repéré dès 1918 par Egon Freidell, comédien, philosophe, génial touche à tout et donc aussi à la psychanalyse :
"Mais ne l'oublie jamais : les rêves
Ne créent pas les désirs,
Ils les éveillent déjà présents ;
Et ce que le matin dissipe
Avait son germe caché en toi."
Et là-dessus ce titre qui inverse les termes du célébrissime La vie est un songe. Les rapports avec la pièce de Calderon ne se limitent pas, bien entendu, à ce contre-pied. Encore un axe donc. Il y en a d'autres.
C'est une pièce riche, viennoisement féerique, musicale (avec la basse continue du vers trochaïque) et certainement plus secrète que ce qu'en disent mes explications.